Comme enivrée par la censure, la déferlante MPR continue allègrement de bombarder la grande toile. Dans une époque parfois cadenassée par la liberté d’expression, l’art continue d’éveiller les consciences malgré les possibles interdits. L’incroyable feuilleton.
La chanson « Nini to sali té », interdite sur les chaînes de télévision, les stations radio, les écrans géants et toutes autres formes de diffusion sur l’ensemble de la République démocratique du Congo ! Il n’était pas interdit de s’étonner de cette censure surprenante à plus d’un titre pour le duo MPR de Kinshasa qui voyait sa liberté d’expression étouffée par la Commission nationale de censure des chansons et du spectacle (CNCCS), une autorité qu’on aurait aimé compétente.
Il aurait sans doute fallu lui expliquer ce qu’est la force de l’art dans le monde, qu’il soit subversif ou transgressif, car « Nini to sali te » est bien une œuvre artistique parfaitement réalisée et, mieux encore, elle est un marqueur de notre époque. Lors d’une conférence de presse à Bruxelles, Kasongo Mwema, le porte-parole et conseiller du chef de l’Etat ne s’y était du reste pas trompé. « Ce que MPR a exprimé, c’est ce que exprime la rue lorsqu’on a l’occasion de l’écouter », a-t-il dit.
Même son de cloche pour Paul Muyaya, ministre de la Communication et des Médias. « Cette chanson résonne comme une interpellation des jeunes pour que l’Etat fasse davantage et l’Etat le fera. Je ne l’interprète pas comme un acte de renoncement, il y a toujours à faire », a laissé entendre le ministre. Ces paroles sages dataient du 8 novembre, trois jours après la sortie de « Nini to sali té » qui inondait déjà la toile.
Au lendemain de ces déclarations, la décision de la CNCCS d’interdire toutes diffusions n’en apparaissait que plus brutale. MPR avait de quoi s’interroger : « Nini to sali te », autrement dit : « Qu’est-ce qu’on n’a pas fait ? ». Et la réponse de tomber comme un couperet : n’avoir pas présenté le clip avant toute diffusion comme le prévoit les articles 2, 5 et 13 du décret 003 du 21 février 1996 portant création de la Commission nationale de censure.
Quel étrange prétexte, en lieu et place d’une invitation à présenter ce clip devant cette commission, quasi aveugle et sourde au monde d’aujourd’hui ! Il est probable que MPR (Mouvement populaire de la Révolution) n’en espérait pas davantage pour s’offrir sur le dos de cette désolante censure une imprévisible campagne publicitaire pour mieux booster sur les réseaux sociaux son dernier opus, qui avait dépassé le million de vues sur Youtube cinq jours après sa sortie. La censure a ceci de miraculeux qu’elle révèle paradoxalement au plus grand jour les œuvres qu’elle pourchasse.
Retournement de situation le 10 novembre avec la déclaration de Didier Kelokelo, directeur de la CNCCS, annonçant sur Top Congo FM : « Le groupe MPR est passé à la commission hier (mardi) à 15 h pour répondre, mais malheureusement c’était un peu tard. La sanction était déjà prise. Dès les premières heures de ce mercredi, ces mesures interdisant la diffusion de la chanson « Nini to sali te » seront levées ». Certains médias de Kinshasa s’autorisent à penser dans cet incroyable feuilleton que l’impopularité de cette censure injustifiée ainsi que quelques conseils judicieux venus de certains ministères auront fait plier la commission devant la déferlante MPR.