France-Loi immigration: l’inquiétude des travailleurs sans-papiers

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La loi immigration adoptée dans la nuit de mardi à mercredi en France continue de diviser le camp présidentiel alors que le ministre de la Santé a quitté le gouvernement. Cette nouvelle loi durcit notamment les conditions de régularisation des sans-papiers qui travaillent dans des métiers en tension et qui sont inquiets pour leur avenir. 

Dans la boulangerie Farinez’vous, dans le sud de Paris, les salariés rangent la boutique, aspirent et lavent avant de fermer quelques jours pour les fêtes de fin d’année. Jeanne, qui préfère ne pas donner son vrai nom, travaille ici depuis deux ans. Arrivée de Côte d’Ivoire en 2019, elle a quitté un mari violent, s’est retrouvée un temps sans logement, avant de décrocher un travail stable.

La nouvelle loi immigration l’angoisse profondément, car elle vient de déposer à la préfecture une demande de renouvellement de son titre de séjour, après déjà des mois et des mois de galère administrative. « Ils ont tout annulé à la préfecture et m’ont dit de reprendre à zéro », explique-t-elle, bouleversée. Elle a pu déposer de nouveau un dossier, mais « là, je viens d’apprendre que tout est en train de changer », poursuit-elle en larmes. Elle « évite de regarder la télé » par peur d’entendre parler de cette loi qui l’empêche de dormir la nuit depuis mardi. Encore plus qu’avant, elle craint tous les matins d’être contrôlée par la police en allant à son travail, et d’être expulsée.

« C’est contre-productif d’un point de vue économique »

Pour sa demande de renouvellement de titre de séjour, Jeanne a eu le soutien de son employeur, Domitille Flichy, qui dirige trois boulangeries et emploie vingt salariés. « Nous sommes une entreprise d’insertion, et nous formons des réfugiés et des migrants aux métiers de la boulangerie », précise la patronne. « Beaucoup de profils que nous accompagnons sont étrangers », alors cette loi « complique d’autant plus notre métier », estime-t-elle, car elle rend « plus fragiles des personnes déjà fragiles », qui auront d’autant plus de mal à se projeter dans leur carrière au sein de l’entreprise.

En France, près de 9 000 postes de boulangers et pâtissiers ne sont pas pourvus, faute de candidats suffisants. Dans l’ensemble de l’hôtellerie et la restauration, la pénurie de main d’œuvre est estimée à 250 000 personnes par les professionnels du secteur. Cette loi « est totalement contre-productive d’un point de vue économique et ne résout rien à la problématique sécuritaire non plus. Ce n’est que politique », estime Domitille Flichy, à l’image de nombreux chefs d’entreprise, opposés à cette loi.

« On travaille, il faut qu’on ait des droits aussi »

Avec ce texte, des quotas migratoires seront instaurés et les personnes qui travaillent sans avoir de titre de séjour devront sur les deux dernières années justifier d’un an de travail dans un métier en tension pour espérer être régularisées, contre huit mois aujourd’hui.   

Makorani Savane, 26 ans, travaille dans un salon de thé. Elle est arrivée de Côte d’Ivoire en 2014, et a obtenu son baccalauréat en France, puis un diplôme dans l’hôtellerie. La jeune femme aurait aimé travailler dans la banque, et avait décroché un stage chez BNP Paribas, mais faute de titre de séjour, elle n’a pas pu l’effectuer ni obtenir son diplôme. Elle a déposé en juillet une demande de régularisation, et elle trouve cette loi injuste.

« On travaille, on cotise et après, on n’a pas de droits, car on n’a pas de titre de séjour », regrette-t-elle. La nouvelle loi prévoit en effet de restreindre l’octroi d’aides sociales — allocations familiales ou encore aides au logement – pour les personnes en situation irrégulière. « J’espère que ça va aller et que toute la loi ne passera pas. On croise les doigts et on attend », conclut-elle. 

Le Conseil constitutionnel a été saisi et ses membres ont un mois pour examiner le texte et éventuellement censurer les passages qui ne seraient pas conformes à la Constitution. L’an dernier, près de 10 000 personnes travaillant dans des métiers en tension ont été régularisées en France.