Sri Lanka: le président en fuite, des manifestants font irruption dans sa résidence

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Le président du Sri Lanka, Gotabaya Rajapaksa, a fui samedi 9 juillet sa résidence officielle de Colombo quelques minutes avant qu’elle ne soit prise d’assaut par des manifestants exigeant sa démission. Le plus grand trouble règne quant à l’avenir après ce nouveau pas franchi dans l’affrontement entre le président et sa population.

« Le président a été escorté en lieu sûr », a indiqué une source de la Défense. « Il est toujours le président, il est protégé par une unité militaire », a-t-elle ajouté. Il serait à présent gardé par l’armée, à un endroit inconnu.

Dans la matinée, une marée humaine de dizaines de milliers de personnes était rassemblée sur la baie de Colombo, pour protester devant le bureau de la présidence, relate notre correspondant régional Sébastien Farcis. La police essayait de les disperser, et c’est alors que la confrontation a commencé et que les manifestants ont décidé d’entrer dans le bâtiment, comme le raconte Menaka Indrakumar, qui était présente sur les lieux : « C’était énorme ! Les policiers leur tiraient du gaz lacrymogène ou des balles en caoutchouc dessus, mais ils défiaient ces tirs, c’était dingue, comme dans un film. Ce président, il a toujours effrayé la population, mais maintenant, les gens n’ont plus peur. » 

Beaucoup de monde sont toujours ce samedi après-midi dans les rues de la capitale sri-lankaise, plusieurs centaines de milliers selon plusieurs sources. Une journée que beaucoup d’opposants considèrent comme historique. C’est le cas de Mélanie, une jeune manifestante, jointe par Yelena Tomic du service international de RFI, qui après des mois de protestation espère que rien ne sera plus comme avant : « Jamais le Sri Lanka n’a connu une révolution ou un soulèvement aussi important. Cela donne beaucoup d’espoir à tout le pays, car désormais nous savons que les gens défendent leurs droits. Les Sri-Lankais ne se tairont plus si les choses n’évoluent pas dans la bonne direction. Nous exigeons du Parlement qu’il mette en place un gouvernement intérimaire et qu’il règle dès que possible la crise financière qui frappe le pays, en fournissant à la population de la nourriture, des médicaments et du carburant. Nous ne tolérerons plus la corruption, que des politiques volent la population, le pays ou vendent le pays comme ils veulent. Nous ne les laisserons plus faire. »

Cela fait exactement trois mois que des milliers de Sri-Lankais campent pacifiquement devant ce lieu de pouvoir, pour demander à Gotabaya Rajapaksa de démissionner, jugé responsable de la crise économique sans précédent qui frappe le Sri Lanka et cause une inflation galopante et de graves pénuries de carburant, d’électricité et d’aliments. Aujourd’hui, ils ont ajouté le geste à la parole, et envahi les intérieurs cossus de la présidence. Les vidéos montrent à présent des centaines de personnes assises dans le bureau du chef de l’État, ou se baignant dans sa piscine privée.

Réunion d’urgence

Le frère du président, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa, avait déjà pris la fuite devant les manifestations durant le mois de mai, rapporte Come Bastin, correspondant de RFI à Bangalore. Quelques heures après la fuite du président ce samedi, le Premier ministre Ranil Wickremesinghe a convoqué une réunion d’urgence du gouvernement pour discuter d’une « résolution rapide » de la crise politique en cours. M. Wickremesinghe, qui est le prochain dans la ligne de succession si M. Rajapaksa démissionne, a invité les dirigeants des partis politiques à se joindre à la réunion, et a également demandé que le Parlement soit convoqué d’urgence pour discuter de la crise, a annoncé son bureau dans un communiqué. Gotabaya Rajapaksa a déclaré qu’il se conformerait à la décision rendue ce samedi lors de cette réunion d’urgence.

Un couvre-feu ignoré

Vendredi, les forces de l’ordre avaient imposé un couvre-feu pour tenter de décourager les protestataires de descendre dans la rue, mais cette mesure a été levée après que des partis d’opposition, des militants des droits humains et le barreau du pays a menacé d’intenter des poursuites contre le chef de la police.

Le couvre-feu avait de toutes façons été largement ignoré par les manifestants, dont certains ont même forcé samedi les autorités ferroviaires à les conduire en train jusqu’à Colombo pour participer au rassemblement, ont indiqué des responsables à l’AFP.

Depuis des mois, l’île de l’océan Indien est prise dans une spirale de pénuries liées au manque de devises étrangères. Faute de pouvoir importer des denrées élémentaires, la population manque de tout. Cette semaine, le Sri Lanka s’est vu totalement à court de pétrole, entraînant un regain de colère parmi les habitants.