Le bicephalisme administratif entre le ministère du Budget, du Portefeuille public et des Comptes publics, qui collecte les recettes fiscales et douanières, et le ministère de l’Économie et des Finances, qui gère les dépenses via le Trésor public, pèse lourdement sur leurs relations. En conséquence, les douaniers et fiscalistes se retrouvent dans une situation de pénurie, en raison du non-paiement de leurs émoluments incitatifs.
Quelle est la réalité dans les régies financières ?
Il ressort de nos entretiens avec certains cadres des impôts et des douanes que les administrations fiscales et douanières ne sont pas dotées de moyens de fonctionnement.
Il arrive souvent que les contribuables achètent eux-mêmes du papier ou des cartouches d’encre pour le traitement de leurs dossiers.Cette précarité justifierait dans certains cas le retard dans la délivrance des actes administratifs.
A cet état des faits s’ajoutent les problèmes de rétrocession des émoluments des agents des impôts et des douanes qui ne constituent pas des recettes budgétaires.
Pour le Trésor Public, seul le Ministre de l’économie et des finances qui contrôle 65% des recettes collectées est en mesure de décider des rétrocessions aux administrations bénéficiaires.
Lors de la dernière session budgétaire, les interpellations des parlementaires des commissions economie et finances, et notamment de la sénatrice Loembe, ont été heurtées au refus du ministre de l’économie et des finances de répondre à leurs questions sur les émoluments des impôts et des douanes.
Dans une correspondance dont nous avons eu connaissance, adressée au ministre du Budget, du Portefeuille public et des Comptes publics, Ludovic Ngatsé, l’intersyndicale des douanes exprime ses revendications concernant le règlement des produits issus du travail extra légal (TEL), le contentieux revenant aux ayants droit, ainsi que la prime de rendement, en particulier la part qui revient à l’administration. En l’absence de négociations fructueuses, l’assemblée générale prévue le 24 janvier 2025 pourrait se traduire par un mouvement de grève.
Le ministre de l’Économie et des Finances, Jean-Baptiste Ondaye, sous la tutelle duquel se trouve le Trésor public, semble faire preuve d’une certaine lenteur dans la rétrocession des produits de ces divers émoluments. Les agents et cadres des impôts subissent également cette disette depuis plusieurs mois. Ce phénomène pourrait-il être attribué à un bicephalisme administratif entre un ministère chargé de la collecte des recettes fiscales et douanières et un autre responsable de l’exécution des dépenses ? Il est impératif que Messieurs Ngatsé et Ondaye parviennent à harmoniser leurs actions.
Il est important de souligner que « les émoluments internes à la douane ne constituent ni des taxes ni des droits revenant au budget de l’État », comme l’expliquent Faustin Etemaleke Ngodze, vice-président du SYDOC, et Paul Moudienguele, secrétaire général de la CSTC Douane. Ces émoluments représentent une mesure incitative destinée à améliorer les performances des agents douaniers dans l’exercice de leurs fonctions, afin de les prémunir contre les pratiques de corruption et d’abus.
La situation au sein des douanes est d’autant plus volatile que Ludovic Ngatsé a récemment annoncé avec peu de tact lors d’une séance à l’hémicycle que les recettes douanières avaient connu une hausse significative de 40 milliards de CFA. Cette déclaration a suscité une réaction immédiate parmi les douaniers qui s’en sont servis comme levier pour revendiquer la reconnaissance du travail accompli avec diligence.
En somme, il est crucial que les autorités compétentes prennent en compte ces préoccupations afin d’éviter une escalade sociale préjudiciable à l’ensemble du secteur public.
Car, dans un contexte de crise des finances publiques et d’endettement excessif, nécessitant une mobilisation accrue des ressources budgétaires interieures, le jeu politique entre le Ministre Ondaye des finances et le Ministre Ngatsé du budget, sur fond d’attributions des régies financières, risquera d’être préjudiciable pour l’exécution budgétaire en 2025.
A. Ndongo, journaliste économique et financier