Dépigmentation : les dangers de l’éclaircissement de la peau

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Pour éclaircir leur peau, certaines personnes ont recours à des produits qui peuvent être dangereux pour leur santé. Le point avec le Dr Antoine Petit, dermatologue à l’Hôpital Saint-Louis (Paris), expert de la peau foncée.

De nombreuses personnes dans le monde ont recours à la dépigmentation volontaire. Objectif : éclaircir la couleur naturelle de leur peau. On parle aussi de « skin lightening », « skin bleaching » ou « whitening ». Mais attention, « tout ce qui permet d’atteindre un degré d’éclaircissement de la peau important est dangereux, pour la santé à la fois cutanée et générale », avertit le Dr Petit.

Les corticoïdes en crème, de la peau à la circulation sanguine

La première catégorie de produits employés pour la dépigmentation comprend des dermocorticoïdes détournés de leur usage médical. En temps normal, ces médicaments sont utilisés pour traiter divers problèmes de peau, comme l’inflammation, les éruptions cutanées ou les démangeaisons. Ils réduisent l’inflammation et modifient la réponse immunitaire de la peau. Le clobétasol est le dermocorticoïde le plus puissant. On le trouve sous forme de crème, et commercialisé comme agent dépigmentant. Bien que l’étui puisse comporter des mentions médicales pour donner une apparence légale au produit, il est souvent fabriqué et exporté depuis divers pays, y compris des pays européens où il est interdit.

Le risque de passage du clobétasol dans le sang devient rapidement élevé, dès cinquante grammes par semaine d’application. En utilisant des dermocorticoïdes chaque jour comme c’est souvent le cas, les doses mensuelles peuvent atteindre trois cents grammes de crème au clobétasol. Les complications esthétiques sont souvent les premières à être détectées, mais le délai de survenue varie entre chaque personne, allant de trois semaines à dix ans. Ces complications incluent l’atrophie cutanée avec des vergetures larges et nombreuses, des problèmes de peau semblables à une acné, des rosacées, une hyperpilosité, des différences de couleur de peau souvent liées à des infections des follicules pileux (folliculites), etc. Les complications générales sont l’hypertension, le diabète, les infections, l’ostéoporose, la cataracte, etc.

L’hydroquinone, concentrée jusqu’à 20 % !

Un autre type de produit utilisé pour la dépigmentation volontaire sont les dérivés de l’hydroquinone. Utilisée dans l’industrie du caoutchouc, elle est la base du traitement médical topique pour de nombreuses hyperpigmentations pathologiques, généralement à une concentration de 4 à 5 %.

Bien que la vente libre d’hydroquinone dans des cosmétiques éclaircissants ait été autorisée dans divers pays à des concentrations inférieures à 2 %, elle a été interdite en Europe en 2001 puis en 2020 aux États-Unis. Cela n’empêche pas de la retrouver dans de nombreux cosmétiques éclaircissants illicites à des concentrations allant jusqu’à 20 %. Sa présence n’est, d’ailleurs, pas toujours mentionnée.

L’utilisation d’hydroquinone peut provoquer des effets secondaires allant de simples irritations à de l’eczéma ou même à une « ochronose » (destruction des fibres du derme). De petits grains très noirs apparaissent alors sur les zones de la peau exposées à la lumière où l’hydroquinone est appliquée pendant une longue période. Aucun traitement n’existe.

De plus, les dermatologues ont très récemment remarqué un risque accru de cancer cutané épidermoïde chez les personnes pratiquant la dépigmentation volontaire avec ce produit.

Métaux lourds et produits ménagers… troubles neurologiques et brûlures assurés

Certains produits dépigmentants, tels que ceux contenant du mercure, sont encore utilisés malgré leur dangerosité. Appliqué sous forme de savons ou de crèmes, le mercure pénètre facilement dans la circulation sanguine. L’intoxication au mercure peut causer des troubles neurologiques graves.

Pour se dépigmenter rapidement, certains utilisent aussi des substances du quotidien, comme le liquide vaisselle, le dentifrice, le défrisant, voire de l’acide de batterie ou le ciment. Résultat : des brûlures, parfois associées à des infections sévères.

« L’arrêt de la dépigmentation volontaire s’avère complexe pour les femmes, qui craignent le retour de leur teint initial, voire une apparence plus sombre ou tachée », observe le Dr Antoine Petit. « Cette appréhension conduit à une sorte de dépendance comportementale, avec des cas extrêmes où des mères dépigmentent même leurs enfants. Les praticiens, qu’ils soient médecins ou dermatologues, se heurtent souvent à des difficultés pour apporter leur aide, car les patients dissimulent fréquemment cette pratique même lorsqu’ils consultent pour des complications liées à la dépigmentation volontaire », ajoute-t-il.