L’ancien président Frederik de Klerk est décédé à l’âge de 85 ans des suites d’un cancer. À l’annonce de sa mort, les Sud-Africains insistent sur son rôle dans le régime de l’apartheid.
Il ne faut pas s’attendre à des larmes sur les visages de ces jeunes dans le quartier étudiant de Braamfontein à Johannesburg, constate notre correspondant, Romain Chanson. Ils ont tout juste la vingtaine, n’ont pas connu l’apartheid et n’ont rien de bon à dire sur Frederik de Klerk.
« J’ai des sentiments partagés, mais aucun n’inclus la tristesse. Il a été le fer de lance du système d’oppression », explique une jeune Sud-Africaine. « Je ne peux pas avoir de la sympathie pour des personnes qui ont opprimé la population pendant si longtemps, insiste un autre jeune. Et son décès me fait juste réaliser qu’il n’a pas répondu de tous ses crimes. »
« Il a fait le choix de diriger un parti impitoyable et raciste »
Son rôle dans la transition démocratique suscite l’indifférence de Justin, libraire : « À l’époque, le gouvernement s’est rendu compte que le changement était inévitable. Donc ils l’ont mené la transition selon leurs propres termes. Je sais qu’aujourd’hui, rétrospectivement, il y a beaucoup de colère vis-à-vis de Nelson Mandela, accusé d’avoir bradé l’Afrique du Sud noire. »
Avant d’être le président de la transition démocratique, Frederik de Klerk a longtemps servi le régime de l’apartheid en tant que parlementaire, plusieurs fois ministres et président du Parti national. Alors quand il entend parler de lui, Obongo, 22 ans ne peut s’empêcher de penser à ses parents : « Tu ressens la terreur qu’ils ont endurée. Tu fais tienne leur douleur et tout ce qu’ils ont perdu puisque qu’ils ont perdu des proches dans la lutte. »
Frederik de Klerk dit avoir pris conscience que l’apartheid était mal dès le début des années 1980. Pourtant, des Sud-Africains comme Yvonne, doutent de sa sincérité : « Quelle aurait été sa position s’il n’y avait pas eu l’énorme pression interne et internationale pour que l’Afrique du Sud se transforme en démocratie ? Il a fait le choix de diriger un parti impitoyable et raciste. »
Dans un message posthume, Frederick de Klerk demande pardon sans conditions pour le régime de l’apartheid. Karabo fait partie de ceux voulant bien accepter ses excuses : « On est tous humains. Et on fait des erreurs et je pense qu’il a été très courageux de se réconcilier à une époque où les Africains et les Blancs s’affrontaient. »
Un héritage « important et inégal »
« Le courage de s’écarter du chemin tracé par son parti », c’est aussi ce qu’a retenu le président Cyril Ramaphosa en rendant hommage à son lointain prédécesseur. Il rappelle qu’en décembre 1989, année où il devient président, Frederik de Klerk reçoit Nelson Mandela, alors toujours prisonnier politique. « L’heure des négociations est venue », déclare-t-il moins de deux mois plus tard devant le Parlement.
Le très respecté archevêque Desmond Tutu salue « le courage » de l’ancien président sud-africain. Pour cette figure de la lutte contre l’apartheid, Frederik de Klerk « a su reconnaître le moment du changement et agir ». Quand il arrive au pouvoir, les sanctions internationales se sont intensifiées, la contestation à l’intérieur grandit.
Un espace « historique, mais difficile », ajoute Desmond Tutu. Dernier président d’un gouvernement minoritaire, Frederik de Klerk cède en 1994 le pouvoir à un président extrêmement populaire Nelson Mandela avec qui il reçoit conjointement un Nobel. Desmond Tutu qui a dirigé la Commission vérité et réconciliation rappelle sa déception face à l’absence à l’époque d’excuses de la part de l’ancien président pour les souffrances infligées par le régime qu’il incarnait. Frederik De Klerk, un héritage « important et inégal » pour reprendre les mots de la fondation Nelson Mandela.
Julius Malema, le leader du Parti des combattants pour la liberté économique, « remercie Dieu » d’avoir repris cette âme tandis que John Steehuisen, leader de l’Alliance démocratique félicite le travail de Frederik de Klerk via sa fondation créée en 1999 pour plus de démocratie et de constitutionnalisme.