Scandale dans les douanes congolaises

Webb Fontaine, la société suisse chargée de la modernisation du système de contrôle et de valorisation des importations et exportations au cordon douanier au Congo, un marché juteux, réclame à l’Etat congolais le paiement de ses prestations à la douane congolaise, d’un montant de plus 20 milliards de FCFA. La mise à jour des pratiques peu orthodoxes et pour le moins indélicates aurait-elle fait bloquer la machine? Pourquoi l’ancien argentier congolais Rigobert Roger Andely, et son successeur, Jean Baptiste Ondaye, se moquent-ils comme de l’an quarante du dossier de Webb Fontaine? Enquête.

D’un air pensif, Théophile Munyarunganda, le directeur général de Webb Fontaine Congo, essaye de déplier les jambes dans son bureau en forme losangique, au 4ème niveau de l’immeuble des Tours jumelles , face un 5 étoiles au centre ville de Brazzaville. Notre visite inattendue et impromptue semble le décontenancer. Nous lisons son visage plissé par l’ennui que ne dissimulent pas ses lunettes médicales de vue claire. Le directeur général de Webb Fontaine Congo et son personnel, du moins ce qui en reste après la mise en congé technique d’une partie intervenue depuis l’arrêt des prestations de services de la société suisse à la douane congolaise en décembre 2022, se tournent les pouces.

L’homme esquisse un sourire de steward tout en se présentant à moi comme un expert en finances publiques qui a tant contribué à l’ « amélioration qualitative de la gouvernance financière (sectorielle) » de son pays, le Rwanda, et aussi du Burundi voisin. Il semble préoccupé, en apparence, par la manière dont il faudrait se défaire de la souricière brazzavilloise. Lorsqu’il me prie de le rencontrer le lendemain à 9h 00, en présence, programme t-il d’une voix monocorde, de ses collaborateurs, je ne doute pas de son manque de sincérité. Hargneux, j’y suis à l’heure indiquée. Encore une bonne excuse du maître des lieux. « Mon collègue me prie de vous dire que vous reveniez demain à la même heure ». Un refus poli qui ne refroidit pas pour autant mon excitation à approfondir mon enquête. Bien au contraire.

-Bonjour monsieur Théophile, lui ai-je écrit via WhatsApp, voudriez-vous me dire si votre collègue a finalement confirmé notre rendez-vous de ce matin? « Pas encore!! Je te tiendrai au courant.

Néanmoins, il évite de rencontrer la presse pendant cette période », prend t-il la peine d’y répondre.

Je comprends donc qu’il ne me sera pas facile de tirer le moindre ver du nez à Théophile, ni d’avoir la moindre réponse sur les pratiques de la société Webb Fontaine, accusée par des experts commis à la mission d’audit commandé par l’ex ministre des finances, Rigobert Roger Andely, de pratiquer la « double facturation de ses services à la douane congolaise »…

À QUI PROFITE CE MARCHÉ JUTEUX DE GRÉ À GRÉ

Le 27 décembre 2018, le gouvernement congolais signe un contrat de prestations de services avec la suisse Webb Fontaine, domiciliée à Dubaï.

Ce marché de gré à gré, loin de faire l’unanimité, étonne certains experts qui condamnent les vielles pratiques ayant permis dans le passé à Sgs et Cotecna, propriété de la famille suisse Massey, et à Bivac international, de s’installer au Congo sans passer par les fourches caudines d’un appel d’offres international. Calixte Nganongo, le ministre des finances approuve la démarche. Le paiement des services de modernisation du contrôle et de la vérification des importations et exportations, à l’ordre de Webb Fontaine Congo, s’effectue au prorata des recettes douanières mensuelles conformément aux clauses contractuelles.

Tout se passe sans anicroche au départ. Des retards de paiement des factures s’accumulent pendant la période de maladie du ministre Nganongo en France. Webb Fontaine Congo réclame alors un peu plus de 19 milliards de Fcfa de dette au Congo. Rigobert Roger Andely, le nouvel argentier congolais, en bon cost killer, fait auditer cette dette en mettant sur pied une mission constituée des cadres maison. Après de nombreuses auscultations, ces fins limiers, confie une bonne source proche du dossier, auraient découvert  » une facturation double », en d’autre termes une surfacturation, qu’aurait fait supporter la société suisse à la direction générale du Trésor. La dette auditée est donc ramenée de 19 à 11 milliards de FCFA. Andely décide de programmer le payement de 7 milliards de fcfa au profit de Webb Fontaine Congo.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, de nombreux intervenants, et pas de moindres, exercent des pressions auprès de l’argentier congolais. Un homme lige d’un très puissant ministre, généralement dans les marivaudages de ce dernier, joue à l’avocat défenseur à l’agent chargé de recouvrement au profit de Webb Fontaine Congo(ne me demandez pas son nom svp). Andely, qui soupçonne des pratiques de rétro commissions dans le paiement en perspective, gèle la procédure de paiement. Et décide cependant, faute de trésorerie, de programmer cette fois-ci un paiement de 3 milliards de fcfa au profit de Webb Fontaine Congo, sur les 7 initialement prévus. De nombreux rabatteurs ne lâchent pas prise. Ils exercent davantage des pressions auprès du ministre des finances. Lequel, devenu bien méfiant dans la gestion de ce dossier qui dégage comme une odeur de soufre, joue la montre.

Attitude de méfiance tout à fait compréhensible et justifiée, surtout lorsque l’on sait que, selon Robert Douglas Watt, ex- auditeur de la Cour des Comptes européens, avait mené une enquête significative sur Cotecna et SGS. Son long rapport d’investigation révèle que les sociétés suisses s’adonnent vraisemblablement à des pratiques peu orthodoxes…

La formalité contractuelle dans les pays du Tiers Monde, où Cotecna et SGS ont étendu leurs tentacules, conduit à des cas de versement de pots-de-vin. Les cas du Vénézuela et aussi du Pakistan, dont la conclusion a été apportée par le jugement du magistrat fédéral suisse, Daniel Devoud, qui avait condamné Cotecna Inspection et SGS pour cause de délit de corruption et paiement de commissions illicites pour un montant de près de 137 millions de dollars à l’ex- premier ministre du Pakistan, Bhutto Bénazir, et son époux, Asif Ali Zardar.

Au Congo, un gros ver doit être dans un gros fruit à propos de Webb Fontaine.

S’il est vrai, d’après des experts interrogés, que la société helvétique, dont le contrat arrive à expiration en juin prochain, a pu moderniser le contrôle et la vérification des exportations et importations au Congo, tout porte à croire que…

SUITE MARDI 09 MAI 2023

A. Ndongo, journaliste économique et financier