Quand le clan Sassou découvrait du pétrole imaginaire au nord ( Ô 980000 barils/Jour)

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A la fois ces rigolos qui ont pris le Congo en otage découvrait un gisement de pétrole dans le nord avec une capacité de production de 980000 barils par jour, ils négociaient avec les Russes la construction d’un oléoduc de Pointe-Noire à Ouesso pour ramener du pétrole. Des vrais tintins dont la grosse blague est passée dans les oubliettes.

C’est une découverte presque trop belle pour être vraie. Deux sociétés congolaises ont annoncé la mise au jour de « super gisements » pétrolifères qui multiplieraient par quatre la production congolaise, aujourd’hui en plein marasme.

Le Congo est le troisième pays producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne et le sixième d’Afrique. Avec 350 000 barils par jour, il reste un petit producteur dont les stocks semblaient jusqu’à présent s’essouffler.

Une catastrophe pour un pays endetté à 87% de son PIB et à l’économie presque totalement dépendante de la production de l’or noir et des fluctuations de son marché. La mauvaise gestion des finances de l’Etat et la répartition quasi nulle des richesses du pays rendent le Congo plus fragile encore. À Brazzaville, la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.



La nouvelle de la découverte des gisements du Delta de la Cuvette arrive donc à un moment charnière pour le président Denis Sassou Nguesso. Ce dernier, à l’image entachée pour avoir dissimulé au Fonds Monétaire International (FMI) une partie de sa dette l’année dernière, doit pourtant pouvoir compter sur ce dernier pour espérer un prêt à minima, restaurer son image économique et attirer à nouveau les investisseurs. 

980 000 barils par jour est un chiffre complètement bidon. (Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS (Paris)

Des chiffres invraisemblables

Avec une production journalière de 350 000 barils, la promesse des deux sociétés congolaises d’atteindre presque le million de barils par jour est « invraisemblable », selon Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS (Paris) et chercheur associé au think tank marocain Policy Center for the New South.

« 980 000 barils par jour… C’est un chiffre complètement bidon, ridicule. Nous savons où se trouve la découverte pétrolière mais nous n’avons pas d’éléments techniques sérieux, fiables et crédibles qui nous permettent d’estimer le nombre de barils que ce champ pétrolier permettra au Congo de produire».



La prudence est également de mise pour Philippe Chalmin, spécialiste des marchés des matières premières. « Nous sommes dans un métier où l’on ne fait que se tromper. Mais on ne peut pas imaginer produire près d’un million de barils par jour, sans quoi, le gisement serait épuisé la même année ».

L’industrie pétrolière : un long processus

Impossible donc, avant plusieurs années, de définir exactement la production d’un gisement. Un processus, qui, dans l’industrie pétrolière et gazière, demande du temps.

Les découvertes succèdent aux explorations, nombreuses et la plupart du temps infructueuses. C’est une fois la découverte du gisement faite que l’on peut passer à la phase d’appréciation, qui consiste à faire des forages afin d’estimer plus sérieusement les réserves potentielles de ce gisement. Arrive ensuite la phase du développement, où l’on équipe le gisement afin de lui permettre de produire à l’avenir. L’exploitation et la production interviennent à la fin de ces étapes.

« Ce processus prend plusieurs années selon la taille du gisement et il coûte très cher. Nous ne sommes qu’à la phase d’exploration actuellement. Et elle n’est pas finie. » explique Francis Perrin.

Pourquoi alors avancer de tels chiffres ?  
 

Un coup de communication


Selon Francis Perrin, chercheur, les entreprises du secteur pétrolier peuvent avoir recours aux coups de communication comme celui-ci.

« Il y a parfois la tentation, lorsqu’on découvre du pétrole, de lancer dans la nature des informations et des chiffres très importants, parce que c’est une excellente façon d’attirer l’attention sur vous ».

Si le communiqué des deux entreprises, la Société africaine de recherche pétrolière et distribution (SARPD-Oil) et l’entreprise Petroleum Exploration & Production Africa (PEPA), a été largement relayé dans tous les grands médias internationaux, il semble peu sérieux au spécialiste des marchés des matières premières, Philippe Chalmin. « Ce communiqué semble rédigé de manière très peu professionnelle », estime l’expert

De quoi s’interroger sur la fiabilité des deux sociétés et leur réelle nature.

Je me demande comment cette découverte a pu échapper à de grosses entreprises comme Total

Philippe Chalmin, spécialiste des marchés des matières premières.

Des sociétés inconnues au bataillon


Les deux sociétés en charge de la recherche et de l’exploitation du gisement du Delta de la Cuvette (son nom officiel) étaient inconnues de Philippe Chalmin, spécialiste international des marchés des matières premières. Elles appartiennent à Claude Wilfrid Etoka, qui serait proche du clan présidentiel de Denis Sassou Nguesso.

« La société PEPA de Monsieur Etoka est inconnue du grand public et de la société civile locale qui travaille sur les processus délictueux d’industries extractives. Nous n’avons trouvé aucune trace au trésor public congolais d’argent versé par cette société pour le titre d’exploration qu’ils ont »  affirme de son côté Andréa Ngombet, membre du Collectif Sassoufit (société civile) et opposant au président en place.

Pour Philippe Chalmin, il semble même curieux que ces deux entreprises aient pu découvrir le site, compte tenu des moyens nécessaires pour un tel chantier.

« Je me demande comment cette découverte a pu échapper à de grosses entreprises comme Total. Je trouve cela bizarre, ça me paraît gros », avoue-t-il.

Une industrie opaque et accusée de corruption

Alors que le Congo traverse actuellement une période charnière pour relancer son économie, l’annonce de la découverte des puits d’or noir arrive comme une aubaine. Cela représente l’opportunité d’attirer de nouveaux investisseurs et de relancer une économie à l’arrêt.

« Le pétrole, selon sa gestion, peut-être une excellente nouvelle ou une catastrophe pour un pays et sa population. De nos jours, la transparence est devenue un enjeu capital pour que les richesses issues du pétrole profitent à tous et permettent de diversifier l’économie », explique Francis Perrin.
 

Une qualité qui n’a pas toujours été reconnue au pouvoir de Sassous Nguesso. Le Congo reste l’un des pays les plus pauvres d’Afrique centrale et figure dans les classements internationaux comme l’un des plus corrompus de la planète.

« Sassou me semble plus faire partie du problème que de la solution », avoue de son côté l’expert en matières premières, Philippe Chalmin.

Il faut dire que le régime a été, à de nombreuses reprises, accusé de corruption par la société civile et régulièrement épinglé par certaines ONG pour sa gestion opaque des revenus issus de ses réserves de pétrole.
Comme de nombreux pays producteurs et en développement, il a pour habitude d’emprunter de l’argent à des sociétés étrangères qu’il rembourse ensuite directement avec l’or noir.

En 2004, un rapport de l’organisation Global Witness (une ONG spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles des pays en développement et la corruption politique) affirmait que la société Elf, exploitante d’un puits de pétrole au Congo, avait usé de prêts adossés au pétrole pour enrichir des « fonds secrets » et assurer au président Sassou Nguesso une « source de revenus considérable et opaque ».
 

Pour l’opposant et membre de la société civile, Andréa Ngombet, cette annonce attirerait potentiellement les investisseurs « véreux ».

« Les investisseurs savent que la signature de Brazzaville ne vaut plus rien est n’est pas fiable. La population n’a même pas prêté attention à l’annonce de la découverte des gisements. Elle sait qu’elle ne verra pas la couleur de l’argent qui en ressortira.  Cette annonce attirera les investisseurs véreux qui souhaitent uniquement venir blanchir leur argent».

Une théorie qui va dans le sens d’une enquête d’avril 2018 menée par la rédaction du journal Le Monde. Dans celle-ci, on apprend comment la société Total et le Congo Brazzaville ont créé une société, Likouala S, dans le but de pouvoir habiller la dette du pays et la dissimuler aux yeux du FMI. La société Total a démenti l’information.

Les tourbières, un enjeu écologique


Le gisement du Delta de la Cuvette se situe dans le bassin du Congo, une zone de tourbières qui constitue un puits à carbone considérable. Elle constituerait même le deuxième poumon de la planète, après la forêt amazonienne.

Publiez Ce Que Vous Payez (PWYP), une coalition d’ONG qui milite pour la transparence dans les industries extractives, a récemment sorti un communiqué où elle exprimait son inquiétude.

« Tout en reconnaissant la transparence dans les opérations liées à ce projet, PCQVP s’inquiète énormément au sujet de l’opportunité de la mise en œuvre d’un tel projet ayant potentiellement des risques importants du point de vue environnemental (…) », peut-on lire dans la note.

Des inquiétudes auquel le président Denis Sassou Nguesso a répondu, lors de son discours à la nation du 15 août 2019 dernier.



« Notre pays n’a jamais enfreint l’obligation de protéger les tourbières dans ses zones lacustres. Il n’a nullement l’intention de le faire à l’avenir, nonobstant les contreparties financières annoncées et qui continuent à se faire attendre».

L’ombre d’un écoblanchiment ?


Cependant, selon Philipe Chalmin, la question de l’exploitation de ce milieu naturel ne serait pas nouvelle.

« Il est depuis longtemps question de faire construire un pipeline dans le Delta. Cela poserait un gros problème, mais la question n’est absolument pas nouvelle ».

L’opposant Andrea Ngombet, soupçonne quant à lui le président d’utiliser la menace pétrolière qui pèserait sur les tourbières pour attirer des investisseurs sérieux sur un autre projet plus durable. Le « Fonds Bleu pour le Bassin du Congo » vise à permettre aux Etats de la sous-région du Bassin du Congo d’utiliser les ressources en eaux du pays plutôt que les forêts pour produire de l’énergie.

« Cela ressemble à du ‘Green washing’ classique, le bon président qui renoncerait à exploiter un immense potentiel pétrolier. Il chercherait à inciter les partenaires sérieux à exécuter les promesses d’investissement dans le Fonds bleu du bassin du Congo et aussi à « Green washer » les investissements véreux. Il n’a plus vraiment le choix, il cherche à tout prix de l’argent frais».

Des suppositions auquel n’a pas pu répondre le gouvernement du Congo, resté injoignable malgré plusieurs de nos appels.

L‘annonce du gisement intervient alors qu’une proche du président, Yamina Benguigui (ancienne ministre chargée des Français de l’étranger et de la Francophonie et médiatrice pour la Centrafrique) présente son film sur la tourbière du Bassin du Congo au festival du film d’Angoulême cette semaine. Un documentaire intitulé « Le dernier poumon du monde« …