C’est une nouvelle qui glace le sang, un choc de plus pour une diaspora déjà meurtrie, et un peuple qui n’en finit pas de payer les dérives de son propre État : à partir du 9 juin prochain, les Congolais seront interdits d’entrée aux États-Unis. Une décision prise par les autorités américaines à la suite d’un rapport accablant mettant en lumière l’usage frauduleux du passeport congolais par plusieurs ressortissants étrangers, notamment libanais, soupçonnés d’en faire un outil de contournement des règles de sécurité intérieure.
Le plus affligeant dans cette affaire n’est pas tant la décision américaine – que l’on peut comprendre dans un contexte de vigilance renforcée – que ce qu’elle révèle, une fois de plus, de l’état de notre propre maison. Comment expliquer qu’un document aussi précieux que le passeport national, censé incarner l’identité et la souveraineté, puisse devenir une marchandise, une monnaie d’échange, une denrée pour riches étrangers, alors que tant de Congolais attendent depuis des mois, voire des années, ce sésame pour voyager, étudier, se soigner ou simplement exister dans le monde ?
Ce passeport, inaccessible pour la majorité des citoyens à cause de sa rareté ou de son coût exorbitant, se retrouve entre les mains de personnes étrangères à notre histoire, à notre culture, mais proches de ceux qui dirigent, achètent, corrompent et profitent. Triste ironie : on naît Congolais, mais il faut presque être millionnaire ou bien connecté pour que notre pays nous reconnaisse sur papier.
Le mal est profond. Ce n’est pas seulement une crise diplomatique ou une alerte sécuritaire. C’est une faillite morale et institutionnelle. Quand l’État abdique sa mission régalienne et transforme son identité en bien commercial, il met en danger non seulement ses citoyens, mais aussi sa réputation sur la scène internationale. Et ce sont toujours les plus pauvres, les plus honnêtes, les plus désireux de contribuer au rayonnement du Congo qui paient le prix fort.
Nous sommes trahis. Trahis par ceux qui devraient nous représenter et nous protéger. Trahis par un système qui vend nos droits au plus offrant. Trahis par un silence complice qui entoure cette affaire, comme tant d’autres. Le passeport congolais n’est plus un symbole de fierté nationale : il est devenu le reflet d’un État démissionnaire.
Aujourd’hui, nous ne sommes pas seulement déçus. Nous sommes en colère. Car ce qui arrive n’est pas une fatalité : c’est la conséquence directe de choix cyniques et cupides. Il est temps d’exiger des comptes. Il est temps de restaurer la dignité du document national, de le rendre à ceux à qui il appartient de droit : le peuple congolais.
Jusqu’à quand allons-nous observer sans réagir pendant que notre identité est bradée ?C’est notre nom, notre honneur, notre avenir qui sont en jeu, peuple congolais.