Le climat social est suffocant. Les préavis et les appels à la grève se multiplient au Congo-Brazzaville. Leur recours n’est plus un mystère. Ce n’est qu’un juste retour de la manivelle. Les acteurs sociaux rongent leur frein. La situation étant mortifère, l’insoumission devient la règle, l’immobilisme l’exception.
Survie
Face à la détérioration des conditions de vie des populations du Congo-Brazzaville qui peuvent se targuer d’avoir un boulot, ce qui est devenu un luxe dans ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale, où le chômage des jeunes a atteint des sommets, le point de rupture est atteint : les préavis et les appels à la grève pleuvent et s’apparentent depuis à une arme de revendication sociale, politique et économique. C’est un parfait moyen de survie dans un univers sans horizon. Les arriérés de salaires des travailleurs, de pensions des retraités et de bourses des étudiants s’accumulent. « Mbongo ézali té, mbongo kani, mbongo ikélé vé, nzi adi ka ». On dit l’argent le nerf de la guerre, on oublie que le manque d’argent en est le moteur.
La situation est totale. Aucun secteur de la société n’est épargné. De l’éducation à la santé en passant par le transport et la fourniture en énergie. Tout le monde trinque. Tous les travailleurs du secteur public ou paraétatique sont soumis au même châtiment. Urbanophiles, certains Congolais se rabattent en zones rurales pour échapper à l’insoutenable atmosphère de Brazzaville sans eau et plongée dans l’obscurité. Sans penser à Ya Adou de son vrai nom Adou Danga, sombre directeur général de l’ex-SNE, Georges Balandier, auteur des « Brazzavilles Noires » trouva un titre inspiré.
« Zando ya Tipo Tipo »
Sur l’île de Zanzibar, sévissait jadis un marchand d’esclave appelé Tipo-Tipo. Le grand artiste Michel Boyibanda l’évoqua dans une chanson d’Ok-Jazz devenue inoxydable. Incroyable mais vrai Le Congo, petit émirat noir a réhabilité le système du travail sans salaire comme les propriétaires sudistes avec les esclaves noirs dans les Amériques.
Décrocher un emploi salarié au Congo-Brazzaville relève du parcours du combattant. Être rémunéré régulièrement et à sa juste valeur au Congo-Brazzaville, voilà une autre bataille utopique. Sous d’autres cieux, il existe le marché du travail. Au Congo-Brazzaville de Denis Sassou Nguesso, on a créé des marchands des emplois… fictifs et afonctionnels, du travail sans travail. Les emplois de fonctionnaires et de militaires font l’objet d’âpres négociations dans les quartiers Nord de Brazzaville, à des prix défiant toute concurrence. Les mots d’ordre des leaders syndicaux, les images tournées par les travailleurs et les actions sur le terrain abondent sur les réseaux sociaux. Le Congo a innové ; on assiste à ce que Baudrillard appelle séduction de l’escroquerie philanthrope. Les cris d’alarme sont salués par les familles des travailleurs estomaquées.
Comment le fils de « Mama Mouébara », Denis Sassou Nguesso, Tipo-Tipo du Chemin d’avenir, comment peut-il réduire les travailleurs dans un tel état de dénuement en ricanant ? Y a-t-il encore un pilote dans l’airbus ? A quand le crash ?
Après avoir soumis les populations du Congo-Brazzaville à l’inanition, le khalife d’Oyo, osera-t-il briguer un nouveau mandat sans être censuré par la révolte populaire ? Le fruit est mûr. Les populations du Congo-Brazzaville ne devraient pas se contenter d’attendre que la mangue tombe. Il faut cueillir le fruit attaqué déjà par le ver solitaire. L’insoumission déborde. L’indignation aussi. Les mouvements sociaux essaiment au Congo-Brazzaville, prémisses d’une chute annoncée (aurait dit le Prix Nobel Gabriel Garcia Marques Chronique d’une mort annoncée), signes avant-coureur des grands matins qui chantent, des lendemains qui déchantent dans les palais des khalifes autoproclamés. Le souvenir de 1990 n’est pas si lointain et l’insoumission n’a pas besoin de permission. En effet, elle n’est pas révolue l’époque essentialiste de « Papa, achète-moi un Bernard Kolélas, un Jean-Michel Bokamba Yangouma et un Jean-Marie Michel Mokoko ». Autres temps, mêmes m?urs.
Balai-citoyen
Les grèves au Congo-Brazzaville déroulent une leçon importante sur la situation économique, sociale, politique et financière dans laquelle le natif d’Edou-Penda, Denis Sassou Nguesso, a plongé ce petit émirat pétrolier, forestier, hydro-généreux et exportateur de minerais de la CEMAC, qui ne parvient plus à joindre les deux bouts du mois. La leçon de chose est que : « Là où le balaie ne passe pas, la poussière ne s’en va pas d’elle-même » (Mao Zedong)
Benjamin BILOMBOT BITADYS