Une semaine après le début de ses travaux, la 76e session de l’Assemblée générale de l’ONU débute ses débats ce mardi 21 septembre à New York. Les 193 pays membres vont s’exprimer à la tribune pendant une semaine, sur fond de crise des sous-marins et de débâcle en Afghanistan.
Contrairement à l’année dernière, où l’événement était entièrement virtuel, New York accueille à nouveau cette année des délégations venues du monde entier. Une Assemblée générale qualifiée d’« hybride » : de l’Américain Joe Biden au Britannique Boris Johnson, en passant par le Brésilien Jair Bolsonaro qui s’exprimera en premier comme le veut la tradition, plus de la moitié des dirigeants seront physiquement présents. Même si les délégations sont restreintes, leur arrivée a généré un grand cafouillage. La mairie de New York exigeait une preuve de vaccination, au grand dam de certains dirigeants. Après moultes tergiversations, l’ONU ne demandera finalement qu’une déclaration sur l’honneur.
Le Covid-19 a eu un lourd impact sur l’ensemble des dossiers onusiens. « C’est une diplomatie de contact, souvent informelle » qui a forcément pâti de la distanciation sociale, explique Guillaume Devin, professeur à Sciences-Po Paris. « L’épidémie a montré des déficits en matière de coopération, de solidarité, de confiance entre les États », note Alexandra Novosseloff, chercheure associée au centre Thucydide de l’université Paris II. « L’enjeu est aujourd’hui de remobiliser les nations à un moment charnière.»
Un discours de Joe Biden très attendu
193 pays sont invités à s’exprimer à la tribune pendant une semaine. Chaque année, « ce débat général est l’occasion pour les représentants des États d’exprimer leur position à l’égard des grandes affaires du monde, mais aussi à l’égard du fonctionnement des institutions multilatérales. C’est un moment important pour saisir l’air du temps, les évolutions du moment », rappelle Guillaume Devin, auteur de « L’Assemblée générale des Nations unies » (Presses de Sciences Po). Le discours de Joe Biden, qui s’exprimera pour la première fois au sein de cette instance, fait partie des plus attendus, après quatre ans de présidence Trump. « On peut attendre un discours plus favorable à la délibération multilatérale, à la coopération internationale », avance Guillaume Devin, qui note néanmoins un contexte « très difficile », « préoccupant au Moyen-Orient, conflictuel en Asie et en Asie centrale », et miné par « des rivalités sino-américaines ». « Il y a beaucoup de bruits de bottes, mais l’Assemblée générale est l’une des rares enceintes dans laquelle on peut se parler », résume le professeur à Sciences Po.
Pour Alexandra Novosseloff, Joe Biden est attendu, plus globalement, sur sa vision du monde, sur « son ton vis-à-vis de la Russie et surtout de la Chine ». « Les Nations unies, c’est aussi cela. C’est une tribune, cela donne de la légitimité à un certain nombre de causes, de projets », ajoute l’auteure de « Le Conseil de sécurité des Nations unies » (CNRS Editions). « Le président américain est aussi attendu au tournant dans un contexte où il n’a pas montré une très grande solidarité vis-à-vis de ses alliés, notamment dans la crise afghane. Il est attendu sur les gages qu’il pourrait donner pour rétablir cette confiance. » Pour autant, Joe Biden ne devrait pas revenir dans son discours sur le retrait hâtif des troupes américaines d’Afghanistan. Pour l’ancien secrétaire général adjoint des Nations unies, Bernard Miyet, le président américain « sera plus dans une logique de préparer l’avenir que d’expliquer le passé ».
Qui pour représenter l’Afghanistan et la Birmanie ?
Plus d’un mois après le retour au pouvoir des talibans, le représentant légal de Kaboul devant les instances des Nations unies est d’ailleurs toujours celui de l’ancien régime. Entre lui et le candidat proposé par les talibans, l’ONU va devoir trancher, mais il paraît urgent d’attendre. « Comme chaque année, avant chaque Assemblée générale, une commission de vérification des pouvoirs se réunit pour savoir si les représentants de chaque pays sont valables ou non », explique Bernard Miyet. « Pour l’heure, les choses restent en l’état, il n’y a pas eu de vraie discussion. Cela arrange tout le monde de ne pas ouvrir la question aujourd’hui, de ne pas poser le problème de fond. Mais il doit être entendu que ces représentants feront profil bas pendant l’Assemblée générale pour éviter les problèmes », avance le président de l’AFNU.
Même chose pour la Birmanie, qui a connu un coup d’État en février. Si l’on en croit les médias américains, les États-Unis et la Chine ont négocié avec la junte birmane pour qu’elle ne s’exprime pas à la tribune. Quant à l’actuel représentant permanent de la Birmanie auprès des Nations unies, qui avait pris position contre les militaires, il devra, lui aussi, rester silencieux.
Préparer la COP26
À quelques semaines de la COP26 à Glasgow, le rassemblement des États autour de ce débat de l’Assemblée générale est aussi un moyen de relancer la coopération sur la question du climat. « Beaucoup de pays, notamment la France, y accordent beaucoup d’importance. C’est aussi un élément important pour Joe Biden. La prise de conscience est forte pour tous les pays, y compris la Chine », note Bernard Miyet, président de l’Association française pour les Nations unies (AFNU) et ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé des opérations de maintien de la paix.
Dès lundi 20 septembre, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a organisé avec le Premier ministre britannique Boris Johnson, un sommet mondial à huis clos sur le climat. « On a l’impression que ces sommets ne servent pas à grand-chose, mais c’est une façon de mobiliser l’attention pour générer de la coopération sur un certain nombre de sujets pour lesquels… on ne peut pas se passer de coopération », commente Alexandra Novosseloff. Et pour convaincre les politiques, il faut aussi toucher l’opinion publique. Cette année encore, l’ONU a déployé les grands moyens et invité BTS, le groupe star de la pop coréenne. L’année dernière, leur prestation avait fait exploser le site internet de l’ONU.