La pomme de terre de Djambala aux bons souvenirs de Sassou

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Cultivateurs

  Les agriculteurs de Djambala dans la région des Plateaux en ont gros sur la patate. La patate de Djambala n’est pas assez mise en valeur par les diverses politiques agricoles entreprises au Congo-Brazzaville par les équipes gouvernementales de Denis Sassou Nguesso. Les paysans de Djambala ont de bonnes raisons de fulminer. Dans son gargarisme lexico-politique du 28 novembre 2023 devant les deux chambres Réunies du Parlement sur l’état de la Nation, Denis Sassou Nguesso a soufflé un mot de la pomme de terre de Djambala. La patate, dans la bouche de Denis Sassou Nguesso, voilà qui est inédit. Florent Ntsiba, « mwana Djambala  », originaire de la région des Plateaux, lui a-t-il passé le mot ? La patate de Djambala va-t-elle bénéficier d’un regain d’attention ? Rien n’est moins sûr.

La patate de Djambala broie du noir

  L’inefficacité des politiques agricole au Congo-Brazzaville ne fait pas débat. Le prix de la pomme de terre est au plus haut. La pomme de terre de Djambala n’en profite pas. Après une récolte à l’été et l’automne 2022 catastrophique entachée par une vague de sécheresse, les prix des pommes de terre mais aussi ceux de tous les produits transformés comme la purée ou des chips connaissent une véritable envolée sur le marché des matières premières agricoles.

Selon l’Insee, en un an, le filet d’un kilo de pommes de terre vendu en rayon est passé de 1,70 euro à 2,09 euros, soit une hausse de près de 23 % entre septembre 2022 et septembre 2023. Dans le même temps, le prix des pommes de terre surgelées (frites, potatoes, purée…) a, lui, bondi de 25 % en un an, sur la saison 2022-2023. Les purées subissent une hausse de 20 %, et les chips de 18 %, selon les chiffres des industriels. Le marché est également très tendu car la demande internationale est toujours plus soutenue notamment au Moyen Orient mais aussi dans le Sud de l’Europe. Et la situation risque de perdurer. Selon les professionnels, la récolte 2023 terminée dans la plupart des régions de production a été qualifiée de « moyenne  » et les prix ne devraient pas repartir à la baisse (Le Parisien.fr, 27 novembre 2023).
Les producteurs de pomme de terre de Djambala passent donc à côté d’énormes recettes d’exportation.

Sassou, apprenti physiocrate

   Denis Sassou Nguesso a jeté son dévolu sur l’or noir. Pourtant, le simple rappel que l’économie moderne est née de l’agriculture, à travers la première modélisation des échanges effectuée par François Quesnay et les physiocrates, aurait dû mettre en garde les marxistes et les militaires de la Cuvette qui se sont accaparés le pouvoir contre le désintérêt envers le marché des biens agricoles dans les stratégies de développement. Entre la stratégie de la patate et celle des hydrocarbures, Denis Sassou Nguesso a tranché. La production et la commercialisation du gaz font désormais partie intégrante de la stratégie de développement du Congo-Brazzaville au détriment de la patate. Paul Valentin Ngobo, « le ministre du sorgho et du maïs  » a du pain sur la planche. Mal financée, mal organisée, en manque de reconnaissance, l’agriculture du Congo-Brazzaville et notamment la filière de la pomme de terre de Djambala cumule les faiblesses au pire moment. Les paysans exerçant dans la filière de la pomme de terre, dans les contrées de Djambala, Lékana et Ngo, démunis, désœuvrés, désabusés et démotivés ne produisent aujourd’hui qu’environ une tonne par hectare, chiffre le plus bas de la planète. Le pays a un besoin crucial d’une recherche de pointe pour relever les défis du 21ème siécle où cohabiteraient agriculture vivrière et agriculture d’exportation. Les profits tirés de l’agriculture d’exportation financeraient l’agriculture vivrière.

Le Congo-Brazzaville entend-il cultiver une nouvelle stratégie agricole ? Sans fonds, sans services de santé, sans écoles, sans infrastructures routières, sans infrastructures hydro-électriques, sans installations frigorifiques, sans comptoirs agricoles, les petits exploitants producteurs de la pomme de terre travaillant à l’aide de la houe et du daba ne peuvent améliorer leur production et récolter des bénéfices. Denis Sassou Nguesso, Anatole Collinet Makosso, Jean-Baptiste Ondaye et Paul Valentin Ngobo ne pourraient-ils pas donc imaginer un « Fonds global de soutien à la pomme de terre » financé par les recettes pétrolières touchant quelques secteurs-clés, par exemple, les techniques agricoles, semences, engrais, techniques d’irrigation, techniques de gestion de petites structures… ?

   Abala Ndolo

   Le nom scientifique de la pomme de terre est abala ndolo. Le tubercule de Parmentier (nom de son découvreur) pousse si merveilleusement à Djambala, Ngo et Lékana. L’abala ndolo ne semble intéresser ni les groupes industriels, ni nos dirigeants, au premier rang desquels se trouvent Denis Sassou Nguesso, son directeur de cabinet Florent Ntsiba et Paul Valentin Ngobo. A la question « quelles solutions à la crise alimentaire ? » , le Congo-Brazzaville répond goulûment : développement des biocarburants.

Les nouveaux riches du Congo-Brazzaville gonflés à la manne pétrolière et bientôt à la manne gazière dédaignent la pomme de terre de Djambala et de Lékana pour la purée et les frittes d’Afrique du Sud. L’igname de Gamboma et d’Etoro est logée à la même enseigne. Par snobisme ou par ignorance ?«  Les deux, mon général. »

L’agriculture, depuis l’âge de la pierre polie, se situe néanmoins au premier rang des préoccupations de la planète. Denis Sassou Nguesso, Anatole Collinet Makosso, Jean-Baptiste Ondaye et Paul Valentin Ngobo vont-ils inaugurer une nouvelle ère de la patate au Congo-Brazzaville ?

  Benjamin BILOMBOT BITADYS