Plus de quatre mois après les avoir mis en place, la Cédéao maintient ses sanctions contre le Niger. C’est l’une des principales annonces à l’issue du sommet de l’organisation ouest-africaine qui s’est tenue ce dimanche à Abuja. La Cédéao ne ferme toutefois pas la porte au dialogue avec Niamey.
Pour bien montrer que la junte nigérienne n’est toujours pas acceptée au sein des organes de la communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, c’est le Premier ministre du président Mohamed Bazoum renversé qui a occupé le fauteuil du Niger durant le sommet, rapporte à Abuja, Serge Daniel.
Les chefs d’État participant à ce sommet ont d’ailleurs maintenu les sanctions contre les militaires de Niamey. La rencontre a une nouvelle fois demandé la libération immédiate du président Mohamed Bazoum et de sa famille, ainsi que celles des ex-dignitaires arrêtés.
Lors du huis clos des chefs d’État, le représentant de la Côte d’Ivoire, par exemple, a réclamé la libération du président Mohamed Bazoum avant toute négociation. Dans la même veine et un peu comme si le retour au pouvoir du président nigérien renversait n’était plus une exigence de la Cédéao, un ministre béninois représentant son pays a déclaré : « Il faut reconsidérer nos exigences si le président Mohamed Bazoom est libéré ici. Les militaires de Niamey présentent une feuille de route. »
L’autre du sommet. Le président nigérien Bola Tinobu, au début vent debout contre les putschistes, a même lors du huis clos, lâché une petite bombe : « Les militaires nigériens peuvent garder le pouvoir pour un délai raisonnable, mais ils doivent libérer Bazoum. »
La Cédéao déplore la détention du président Mohamed Bazoum, de sa famille, et de ses proches collaborateurs par l’administration du CNSP. Elle regrette également en outre le manque d’engagement de la part du CNSP pour restaurer l’ordre constitutionnel. En conséquence, la conférence de chefs d’État et de gouvernement appelle à la libération immédiate et sans condition du président Mohamed Bazoum, de sa famille et de ses collaborateurs. L’autorité décide de créer un comité de chefs d’État, composé des présidents de la République du Togo, de la Sierra Leone et du Bénin, pour dialoguer avec le CNSP et d’autres parties prenantes, en vue de convenir d’une courte feuille de route de transition. Créer des organes de transition. En fonction des résultats de l’engagement du comité des chefs d’État, avec le CNSP, la Cédéao pourrait progressivement les sanctions imposées au Niger.
L’ancien ministre des Affaires étrangères de Bazoum « satisfait »
Peu après la lecture du communiqué final qui maintient quand même les sanctions contre Niamey, le ministre des Affaires étrangères du président renversé Mohamed Bazoum était plutôt « satisfait » : « Je suis raisonnablement satisfait, parce que de toute façon, un certain nombre de principes ont été maintenus, a déclaré Hassoumi Massoudou, présent dans la salle comme délégué du Niger tendance anti-putsch. Et des perspectives peuvent se dégager s’il y a une bonne volonté de part et d’autre. »
Car sur le dossier nigérien, l’organisation sous-régionale ne ferme pas la porte du dialogue.
Les chefs d’État du Togo – très impliqué dans le dossier -, du Bénin, de la Sierra Léone ont été chargés de prendre contact avec la junte au nigérienne à Niamey, au nom de la Cédéao, pour l’élaboration d’un schéma de sortie de crise. Et d’après nos informations, avant Noël, le ministre togolais des Affaires étrangères et le représentant spécial des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest doivent se rendre à Niamey.
L’objectif est d’y engager des négociations avec la junte pour trouver une solution de sortie de crise avec comme axe central une transition de courte durée.
Levée des sanctions de voyage à l’encontre des autorités du Mali, réfugiés burkinabè, tentatives de putsch
Si la conférence a décidé de lever les sanctions de voyager contre des autorités maliennes, par exemple, beaucoup d’autres sujets ont été abordés lors de la rencontre à huis clos des chefs d’États.
Parmi les grands absents du sommet, figurait le président ivoirien Alassane Ouattara : son représentant au sommet est son vice-président. Au ton calme, Tiémoko Meyliet Koné prend la parole lors du huis clos pour aborder un autre problème : 35 000 réfugiés originaires du Burkina Faso voisin résident désormais en Côte d’ivoire et la situation devient de plus en plus difficile.
Prenant à son tour la parole, un ministre béninois qui représentait son pays au sommet, annonce la solidarité de Cotonou envers la Guinée-Bissau et à la Sierra Léone – deux pays qui ont récemment connu des soubresauts.
Le président sierra-léonais Mada Bio a de son côté saisi l’occasion pour demander à la Cédéao de participer aux enquêtes en cours. Pour lui, un ex-président de la Sierra Léone serait impliqué dans ce qu’il appelle la tentative de putsch. Sur le même sujet, le représentant du Président sénégalais Macky Sall a plutôt demandé le respect de l’ex-président de Sierra Léone Ernest Koroma, accusé par le pouvoir local d’être derrière les récents évènements.
Le Mali, le Niger et le Burkina Faso tentent « de détruire la Cédéao » avec « l’aide de la Russie »
Un autre intervenant lors du huis clos des chefs d’État, le président de la Guinée-Bissau Umaro Sissoco Emballo s’est dit « choqué » que le conseil des ministres de la Cédéao regrette la dissolution de l’Assemblée nationale dans son pays.
Le ghanéen Nana Akufo-Addo a lui insisté : Il faut mettre en place la Force d’attente chargé de la lutte contre le jihadisme et contre les coups d’États. Il ajoute : l’Alliance des États du Sahel (AES) composée du Mali, du Niger et du Burkina Faso tente « de détruire la Cédéao » avec « l’aide de la Russie ».
Lancer la force d’attente de la Cédéao pour combattre le terrorisme ?
Parmi ces sujets, La Cédéao veut notamment lancer une opération régionale de contre-terrorisme à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest.
Les chefs d’États demandent en urgence à la Commission d’activer la force d’attente de la Cédéao pour combattre le terrorisme dans la région ouest africaine. Les ministres des Finances et de la Défense des pays membres non suspendus doivent se retrouver prochainement pour mettre en place une ou plusieurs opérations militaires dont les contours restent encore à être précisé, rapporte à Abuja, Moïse Gomis.
Autre décision importante, la Cédéao va étendre le mandat de la force de stabilisation Ecomog présente depuis plusieurs années en Guinée-Bissau. Les troubles et les répliques qui ont agité Bissau, mais aussi la tentative avortée de putsch en Sierra Leone sont autant de signes inquiétants pour des dirigeants ouest-africains en fonction.
Plusieurs images à retenir de ce 64ème sommet ordinaire : les absences remarquées de trois voix fortes la Cédéao. Les présidents ivoirien Alassane Ouattara, sénégalais Macky Sall ou encore béninois Patrick Talon ne se sont pas déplacés à Abuja.
En revanche Ouhoumoudou Mahamadou lui était bien assis à la table de conférence. Le Premier Ministre de Mohamed Bazoum, a participé au sommet à la place dévolu au représentant du Niger. Enfin George Weah a eu droit à des applaudissements des leaders de la Cédéao, tous debout : l’ex-ballon d’Or, star de Football, a reconnu avec élégance sa défaite lors des présidentiels du Libéria il y a quelques jours.