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Le Fonds Monétaire International (FMI) brandit la menace d’interrompre les décaissements destinés aux pays de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac) sous programme. Cette situation s’explique par le non-respect des réformes audacieuses que ces six États avaient promis d’adopter lors du sommet extraordinaire de la Cemac, tenu en janvier 2017 à Yaoundé, en collaboration avec la France et le FMI. À ce jour, seul le Cameroun semble s’efforcer de se conformer à ces engagements, bien que ce soit dans une mesure limitée.
Abebe Selassié, directeur Afrique du FMI, avait pour intention d’exprimer directement au président camerounais, Paul Biya, ses préoccupations quant à la situation macroéconomique de la sous-région. Cependant, il a été reçu par le Premier ministre camerounais, Joseph John Nguté. La dernière évaluation du FMI concernant le Cameroun, bien que jugée concluante, ne permet pas au pays de bénéficier immédiatement du décaissement attendu de 160 millions de dollars. Cette nouvelle inattendue a surpris le ministre des Finances du Cameroun, Louis Paul Motaze. Le FMI impose désormais à Yaoundé et bientôt aux autres États — notamment le Congo, dont le programme prend fin en décembre 2024 — une suspension des décaissements conditionnée à la mise en œuvre de réformes significatives.
Selon nos sources, le Congo, ainsi que le Tchad et la République Centrafricaine (RCA), accusent un retard dans l’application des réformes nécessaires. Il est légitime de se demander si l’accès au financement via le marché des titres publics — vers lequel se tournent les pays de la Cemac pour résoudre leurs problèmes de trésorerie — n’a pas détourné ces nations de l’urgente nécessité d’engager des réformes profondes, qui sont pourtant essentielles pour assurer une solidité macroéconomique durable. Le FMI exprime son inquiétude à cet égard, d’autant plus que les banques commerciales, principalement alimentées par des ressources à court terme, sont fortement sollicitées.
D’après des sources fiables ayant assisté à l’entretien entre le Premier ministre camerounais et Abebe Selassié, le représentant du FMI a évoqué, dans le pire des scénarios, un ajustement du franc CFA Cemac proportionnel à la situation macroéconomique de la région. Cela soulève des interrogations au regard du dernier rapport du Comité de Politique Monétaire (CPM) de la Banque centrale, qui annonce une stabilisation des réserves de change à 7 285 milliards à fin 2024. Cette somme correspond à un taux de couverture extérieure de 78,4 %, en hausse par rapport aux 74,8 % enregistrés en décembre 2023, ainsi qu’à 4,79 mois d’importations de biens et services contre 4,82 mois en 2023. Le FMI considère que les indicateurs macroéconomiques de la Cemac demeurent fragiles tant que des réformes significatives ne sont pas mises en œuvre.
Certaines voix s’élèvent pour dénoncer ce qui pourrait être perçu comme l’influence discrète de la France derrière cette menace de dévaluation. Paris aurait-il l’intention d’utiliser le FMI pour régler ses différends avec le Tchad, le Congo, la RCA, le Cameroun et la Guinée Équatoriale — tous considérés comme récalcitrants sur la scène diplomatique internationale — alors qu’ils se rapprochent de Moscou et de Pékin dans un contexte global marqué par une montée des tensions anti-russophobes et anti-chinoises ?
Au-delà de ces considérations politiques et économiques complexes, il est indéniable que la situation macroéconomique dans cette zone est délicate. Il est fort probable que la prochaine revue du FMI au Congo, même si elle s’avère positive sur certains aspects, puisse se conclure sans décaissement substantiel. Il y a urgence d’un sommet extraordinaire, en mode présentiel, de la Cemac.
A.Ndongo, journaliste économique et financier