Le Programme National d’Optimisation de la Trésorerie (PNOT), associé à un report du service de la dette jusqu’en 2034, pourrait avoir des implications significatives sur la situation économique et financière du pays.
Au milieu du fleuve Congo, un pêcheur en détresse n’a d’autre choix, à ses risques et périls, que de s’agripper au dos d’un reptile pour rejoindre la rive. Cette opération de sauvetage à haut risque illustre parfaitement la démarche entreprise par le Congo, qui a décidé de reporter le service de sa dette afin de libérer des ressources financières à court terme. Ce choix pourrait s’avérer crucial pour financer des projets d’infrastructure, améliorer les services publics ou stabiliser l’économie, surtout en période de crise.
Bien que ce report offre un soulagement temporaire, il faut également reconnaître qu’il entraînera une augmentation continue du montant total de la dette jusqu’en 2034. Le taux d’endettement du Congo dépasse déjà 98 % du PIB, auquel il convient d’ajouter celui du marché des titres publics de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), représentant environ 35 %. Cela positionne le Congo comme le pays le plus endetté parmi les six États de la Cemac. Si le pays ne parvient pas à améliorer sa situation économique et à accroître ses recettes fiscales tout en réduisant ses dépenses de fonctionnement – qui absorbent presque 60 % du budget – il pourrait se retrouver dans une position encore plus délicate lorsque les paiements reprendront.
Pour éviter une crise aiguë de la dette à l’avenir, il est impératif que le gouvernement, en sus des recommandations du Fonds monétaire international (FMI), mette en œuvre des réformes structurelles audacieuses et améliore sa gestion financière.
Au-delà des considérations politiques, plusieurs mesures pertinentes ont été proposées par l’opposition congolaise, notamment par l’Alliance pour la République et la Démocratie (ARD) dirigée par Mathias Dzon. Celles-ci incluent l’assainissement du cadre macro économique via l’optimisation des dépenses publiques ainsi que l’augmentation des recettes fiscales afin de garantir que le pays soit en mesure d’honorer ses obligations lorsqu’elles deviendront exigibles, tout en générant davantage de ressources internes pour alimenter le trésor public.
Selon nos sources, le gouvernement congolais a garanti aux spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) qu’une partie des recettes fiscales – environ 4000 milliards de FCFA – serait déposée dans un compte séquestre auprès de la Beac. Cela implique un relèvement des recettes fiscales durant la période moratoire, ce qui pourrait engendrer un harcèlement fiscal susceptible d’affecter l’activité économique.
L’allongement du service de la dette pourrait également influencer la perception internationale du Congo-Brazzaville en tant que débiteur. Les créanciers et investisseurs pourraient exprimer des inquiétudes quant à la capacité du pays à gérer efficacement sa dette, ce qui risquerait d’impacter les futures négociations financières. D’ailleurs, cette situation a conduit l’agence de notation Standard & Poor’s à abaisser quatre crans la note attribuée au Congo. Un cadre supérieur au ministère de l’Économie et des Finances a confié, sans sourciller, que « l’attitude de cette agence britannique relève d’un chantage suite à une facture que le gouvernement congolais refuse de régler ». Vrai ou faux?
Quoi qu’il en soit, le réprofilage de la dette est perçu par les experts comme une indication d’insolvabilité du pays face à ses engagements contractuels vis-à-vis de ses créanciers. Ce phénomène est couramment désigné dans le jargon financier comme une « dégradation de la signature ».
A. Ndongo
Journaliste économique et financier