Le Parlement français a adopté définitivement mardi, par un ultime vote du Sénat, la réforme de l’aide française au développement qui crée un dispositif de restitution aux populations des avoirs saisis dans les affaires dites de « biens mal acquis » par des dirigeants étrangers.
Ce projet de loi concrétise l’engagement du président Emmanuel Macron de porter l’aide publique au développement (APD) à 0,55% du revenu national brut (RNB) à la fin du quinquennat, en 2022. « C’est un texte essentiel pour l’avenir de notre diplomatie« , a souligné le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, vantant « une loi à la fois stratégique et humaniste ».
Il permet, en outre, de doter la France d’un mécanisme de restitution aux populations concernées des recettes provenant de la confiscation par la justice française de « biens mal acquis », réclamé par les ONG depuis près de 15 ans. Les « biens mal acquis » désignent des avoirs et biens publics détournés par des dirigeants étrangers ou leurs proches à des fins personnelles : biens immobiliers luxueux, voitures, montres, comptes en banque…
« Ce dispositif constitue un moyen très concret pour lutter contre les ravages de la corruption et de la prévarication », a souligné M. Le Drian.
Le texte prévoit que soient « restituées, au plus près de la population de l’État étranger concerné », les « recettes provenant de biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour blanchiment, recel… », au lieu d’être absorbées dans le budget de l’Etat français.
En pratique, une ligne budgétaire spécifique, abondée par la revente des biens, est attendue dans le budget français sous la responsabilité du ministère des Affaires étrangères. Elle doit financer des « actions de coopération et de développement », au « cas par cas » dans les pays concernés, en matière de santé, éducation, égalité femmes-hommes…
Le premier cas concret devrait être celui de la Guinée équatoriale, si un arrêt de la Cour de cassation attendu le 28 juillet confirme la condamnation du vice-président Teodorin Obiang et la confiscation de ses biens en France. Le fils du président de Guinée équatoriale a été condamné en appel le 10 février 2020 à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amendes et des confiscations.
– « Avancée historique » –
Les restitutions devront articuler respect de la « souveraineté » des Etats concernés et inclusion de la société civile pour éviter que l’argent ne reparte dans des circuits de corruption. La mission s’annonce délicate en Guinée équatoriale, dirigée depuis bientôt 42 ans par Teodoro Obiang Nguema. « C’est un cas d’école », reconnaît Jean-Pierre Sueur, qui a œuvré très activement pour l’adoption du dispositif et salue « une avancée historique ».
Le Sénat à majorité de droite avait adopté en première lecture, en mai 2019, une proposition de loi du sénateur socialiste qui posait le principe d’une restitution aux populations victimes de l’argent « confisqué » par la justice française dans des affaires de corruption internationale. Mais le gouvernement avait alors souhaité attendre la remise d’un rapport sur la question.
« Je resterai vigilant quant aux modalités pratiques afin que les sommes restituées ne soient pas confondues avec le budget de l’aide publique au développement », a indiqué M. Sueur.
L’organisation Transparency International France salue elle aussi une « avancée considérable, après 14 ans de procédures et de plaidoyer de la part des ONG ».
Plus globalement, le projet de loi redéfinit la « doctrine française » de l’aide publique au développement. Il fixe 19 pays prioritaires, Haïti et 18 pays d’Afrique subsaharienne, et prône une politique de dons plutôt que de prêts.
Le texte indique en outre que la France « s’efforcera » en 2025 de consacrer 0,7% de son RNB à l’APD, un objectif martelé depuis les années 1970 par la communauté internationale et devenu un vieux totem de l’aide au développement.