L’investissement géant dans le futur aéroport de Kigali, le plus important jamais effectué par le Qatar en Afrique, fait tourner les têtes à Istanbul. Qatar Airways a lancé un appel d’offres dont le vainqueur devrait être connu d’ici à quelques semaines.
Le projet d’aéroport de Kigali (Rwanda) avait été initialement confié à Mota-Engil en 2016.
C’est désormais pas moins de 2 milliards de dollars que s’apprête à investir le Qatar, via Hamad International Airport (HIA), filiale de Qatar Airways, dans le futur aéroport de Kigali. Un écosystème d’hôtels et de zones logistiques sera développé autour de cette nouvelle installation. Les dossiers pour sélectionner le maître d’œuvre ont été rendus à la fin 2021 et l’offre retenue devrait être connue dans les prochaines semaines.
Selon nos sources, au moins cinq consortiums restent en lice. Quatre d’entre eux se sont alliés avec des sociétés qataries particulièrement bien connectées. Parmi elles, UCC, dirigée par les puissants hommes d’affaires syriens naturalisés qataris Ramez al-Khayyat et Moutaz al-Khayyat. Les deux hommes sont aussi à la tête de la société cotée en bourse Baladna, qui fournit le Qatar en lait depuis l’embargo de 2017, et d’Elegancia, un groupe spécialisé dans le secteur des services, de la restauration et de la sécurité. Al Jaber Group, présidé par l’homme d’affaires Mohammed Sultan al-Jaber, et CDC, du Qatari d’origine libanaise Khalil Boutros al-Sholy, sont également en lice. CDC est affilié à Alfardan Group, pour lequel la société de construction a réalisé au Qatar des tours et nombre d’hôtels sous les marques St. Regis et Kempinski. Enfin Midmac, présidé par le fils de l’oncle de l’émir du Qatar et ancien premier ministre, Sheikh Hamad bin Abdulla bin Khalifa al-Thani, figure aussi dans un consortium qui postule pour le chantier de l’aéroport de Kigali.
La Turquie en pointe
Alors que l’économie turque est à la peine depuis plusieurs années, les firmes du pays, principalement les gigantesques conglomérats d’Istanbul, essayent de tirer profit de l’entente personnelle et géopolitique parfaite entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et l’émir qatari Tamim ben Hamad al-Thani.
Parmi les cinq consortiums encore en lice, trois ont ainsi pris comme partenaires des sociétés de BTP turques. Al Jaber, en cas de succès sur ce contrat, travaillera avec Ictas, filiale du conglomérat IC Holding qui opère dans les secteurs de la construction, de l’énergie, des infrastructures portuaires et aériennes, du tourisme et de l’industrie.
Les Grecs de Consolidated Contractors Co (CCC, très impliqués au Qatar avec de multiples contrats) ont, quant à eux, fait équipe avec les Turcs de Dogus – 19 000 salariés dans le BTP, l’énergie, la restauration et les médias. Midmac, pour sa part, a choisi de se faire épauler par Tekfen. Déjà présent au Maroc et en Libye, le groupe turc cherche à s’implanter en Afrique de l’Est (AI du 18/06/20). Tekfen dispose depuis 2005 d’une filiale au Qatar, qui a récemment construit le stade d’Al-Thumama pour la future coupe du monde de football de décembre 2022.
La firme portugaise Mota-Engil, qui avait hérité de la première mouture de l’aéroport de Kigali avant qu’il ne soit totalement repris par les Qataris en 2019, n’a pas pris comme partenaire des sociétés de BTP turques. Elle fait équipe avec les Qataris d’UCC. De même, QDVC (Vinci) n’a pas misé sur la Turquie et a présenté son offre avec CDC.
Qui sont les décideurs ?
Deux personnalités qataries clés seront amenées à décider quel consortium sortira vainqueur de cet appel d’offres pour le Rwanda. L’avis du président et fondateur de Qatar Airways, Akbar al-Baker, sera décisif. Mais celui de son adjoint, le directeur des opérations de HIA, Badr al-Meer, sera aussi largement pris en compte.