Les difficultés économiques, l’émancipation des femmes, la peur du sida, l’influence religieuse et surtout l’impact mental et social au niveau des enfants sont autant de raisons qui poussent les Congolais à faire le choix de la monogamie.
« Un homme qui n’a qu’un seul pied est déséquilibré », dicton bembé (peuple de la Bouenza, au Sud du Congo) qui a longtemps poussé certains hommes à entretenir la polygamie. Pour les garants de cette coutume, « celle-ci était un lien de consolidation, de cohésion et d’intégration entre les familles, les peuples, les tribus, et même les pays », a révélé Auguste Mabiato, sociologue au Centre de recherche de la civilisation Kongo, qui, en tant que chrétien, ne partage pas cet avis.
Armelle, mariée et issue d’un foyer polygame, reconnaît toutefois quelques faveurs de ce cercle familial. « Ce n’était pas rose tous les jours, car il fallait trouver sa place au sein de cette grande fatrie, mais on ne peut pas non plus occulter le fait que nous avons eu des moments de joie avec mes soeurs. Sans la polygamie de mon père, je serai certainement fille unique car ma mère avait des problèmes de conception et c’est ma seconde mère qui a fait en sorte que j’ai des frères et des sœurs qui sont mes meilleurs amis », a reconnu cette dernière qui ne pense pas reproduire le même schéma que sa mère, même si elle est fière de ses deux mamans et nombreux oncles et cousines de sa mère ainsi que de la seconde épouse de son père.
« Les deux familles de nos mamans s’entendent bien et, par extension, nous sommes devenus comme une seule et unique famille. Chose rare en comparaison avec d’autres familles qui se sont déchirées à la mort du patriarche car celui-ci avait une préférence pour sa seconde épouse et pour les enfants de cette dernière. Bien évidement, cela a créé des jalousies au sein du clan », a lancé, de son côté, Cyril, la quarantaine révolue, conscient que son père a joué un grand rôle pour nouer des liens fraternels en ce qui les concerne. « Ce n’était pas le cas chez mon ami d’enfance. Huitième enfant de son père et premier du côté de sa mère après avoir eu sept sœurs aînées, son père avait une préférence pour sa mère et pour ce dernier car c’était son premier fils. Cela, tout le monde le savait. A la mort du père, ils se sont retrouvés dans une guerre de clan avec ses sœurs du premier lit », a révélé Cyril, triste pour son ami.
« Si gérer une femme c’est difficile, deux, trois, cela doit être le calvaire au quotidien. Je ne sais pas comment faisait mon père mais chapeau ! Et parvenir à mettre l’unité entre les enfants des deux, trois lits, il faut vraiment être un vrai leader. Tant bien que mal, j’essaie de réunir mes frères et sœurs même si nous avons quelquefois des différends qui proviennent la plupart du temps de nos mères. Nous avons le même sang et cela serait dommage de couper les ponts pour des choses parfois insignifiantes. Donc, pendant les fêtes de fin d’année, je rassemble tout le monde pour que nous puissions passer du temps ensemble », a dévoilé ce dernier qui ne souhaite pas vivre la même expérience que son père.
Si certaines familles s’en sortent mieux, ce n’est pas toujours rose dans beaucoup d’autres qui sortent traumatisées, brisées et mentalement affectées comme l’a noté Miriam. « Ma mère a souffert pendant des années dans le silence des injustices de mon père, puisqu’il avait une préférence pour sa troisième femme qui ne vivait pourtant pas avec nous. Les absences répétées de mon père, son manque d’affection, a fait d’elle une femme aigrie et s’est lentement réfugiée dans la prière, nous délaissant parfois », a fait savoir cette dernière, divorcée, la voix enrouée et retenant difficilement ses larmes. « Je suis partie malgré les conseils de mon entourage quand mon mari a décidé d’avoir une seconde épouse. Non, je ne voulais pas vivre le martyr de ma mère, car je connais les frustrations et les conflits de ces ménages, je ne suis pas prête à imposer cela à mes enfants », a souligné cette mère de trois filles qui espère vraiment que cette loi sur la polygamie soit radiée du code de la famille.
En effet, en 2009, une commission de révision et de rédaction des codes usuels avait été mise en place, pour une large consultation, afin de modifier la loi qui permet à un homme d’avoir jusqu’à quatre femmes. Malheureusement, cette commission qui devrait rendre les conclusions en 2010 est restée sans suite. En attendant que cette loi prenne effet, l’on observe toutefois une baisse de la polygamie, de plus en plus de couples refusant cette pratique. En 2009, sur vingt et un actes de mariage enregistrés à la mairie de Makélékélé, à Brazzaville, seul un cas de polygamie figurait sur le registre et en 2008, sur cinquante-deux actes de mariage, cinq cas avaient été enregistrés. A la marie de Bacongo, aucun cas de polygamie n’a été enregistré entre 2008 et 2009 et seulement un en 2007.