Covid-19 au Brésil: la divulgation du rapport incriminant Jair Bolsonaro reportée

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Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la pandémie de Covid-19 devait être rendu public mardi 19 octobre. Sa publication a été reportée d’une journée, au mercredi 20 octobre. La responsabilité du président Jair Bosonaro pourrait être mise en cause pour sa politique jugée « criminelle », selon onze chefs d’accusation contre lui.

Alors que la pandémie de Covid-19 continue de faire des ravages au Brésil, les représentants des familles des victimes sont attendus pour témoigner devant la commission d’enquête sénatoriale lundi 18 octobre. Ils tenteront de convaincre comment de nombreux décès auraient pu être évités parmi les plus de 600 000 morts depuis le début de la pandémie au Brésil. Ils pourraient également expliquer comment le gouvernement aurait aggravé les choses, selon les accusations, rapporte notre correspondant à São PauloMartin Bernard.

Mais ce rapport sénatorial très attendu ne sera plus présenté mardi 19 octobre, comme prévu. Les sénateurs souhaitaient avoir une journée supplémentaire pour débattre du contenu du document de 1 000 pages. Il sera finalement « lu mercredi par le rapporteur Renan Calheiros », a annoncé le président de la commission, Omar Aziz, sur Twitter. En cause, les divergences apparues au sujet de la teneur du texte.

Vendredi 15 octobre, Renan Calheiros avait annoncé au moins onze chefs d’accusation contre le président Jair Bolsonaro, dont « homicide par omission », « charlatanisme » et « crime contre l’humanité ». Plusieurs ministres et trois fils de Jair Bolsonaro devraient être également incriminés. Parmi les faits, le rapport évoquait le « génocide » des Amérindiens en raison de la pandémie de Covid-19, mais d’autres sénateurs modérés ont estimé que le terme n’était pas approprié.

Brasilia entre « omissions », achat de vaccins surfacturés et morts sans oxygène

Depuis cinq mois, la petite salle du Sénat où se sont déroulées les auditions de la commission d’enquête a été le théâtre d’échanges souvent houleux, avec parfois des insultes, des larmes – et même l’arrestation d’un témoin pour parjure.

Ce grand déballage, diffusé en direct à la télévision des semaines durant, a mis au jour les principales « omissions » du gouvernement durant la crise sanitaire.

Les sénateurs ont notamment tenté d’établir les responsabilités dans des épisodes cauchemardesques comme la mort de dizaines de patients asphyxiés en janvier, faute d’oxygène dans les hôpitaux de Manaus, en Amazonie. En auditionnant des ministres, des parlementaires, mais aussi des représentants d’entreprises privées, la commission s’est aussi penchée sur d’autres faits connus, comme les retards dans l’acquisition de vaccins.

Des expériences clandestines menées à l’insu des patients

Mais au fil des auditions, des révélations explosives ont été faites, notamment sur des scandales de corruption. Jair Bolsonaro est soupçonné par la commission d’enquête sénatoriale d’avoir fermé les yeux sur une affaire de vaccins surfacturésqui lui vaut déjà une enquête du parquet.

Le gouvernement est également accusé de promouvoir des « traitements précoces » inefficaces contre le virus, notamment à base d’hydroxychloroquine, médicament controversé dont le président n’a cessé de vanter les mérites.

Mais les Brésiliens ont surtout été choqués par les accusations gravissimes contre Prevent Senior, service hospitalier privé et mutuelle de santé, soupçonné d’avoir mené des expériences clandestines avec ces traitements à l’insu de ses patients et d’avoir minimisé les chiffres de décès du Covid-19.

« Ce sont des pratiques effrayantes, du jamais vu dans des hôpitaux depuis la Seconde Guerre mondiale », a déclaré à l’AFPTV Bruna Morato, avocate de 12 médecins disant avoir été contraints par Prevent Senior de prendre part à ces expériences.

« Bolsonaro et son entourage ont commis beaucoup de crimes »

La commission d’enquête du Sénat n’a pas le pouvoir d’engager directement des poursuites, mais son rapport sera envoyé aux organes compétents comme le parquet ou la Cour des comptes, et pourrait également être transmis à la Cour pénale internationale, où d’autres plaintes ont déjà été déposées contre Jair Bolsonaro.

« Nous avons découvert beaucoup de choses, Bolsonaro et son entourage ont commis beaucoup de crimes, dont il devra répondre, au Brésil, mais aussi à l’étranger », a déclaré à l’AFP le président de la commission, Omar Aziz.

Impact seulement symbolique

Les analystes estiment toutefois que ce rapport n’aura qu’un impact symbolique à court terme. Le dirigeant d’extrême droite dispose encore du soutien nécessaire au Parlement pour faire barrage à une éventuelle procédure de destitution.

Mais les conséquences politiques pourraient s’avérer désastreuses pour celui qui est loin d’être assuré d’être réélu dans moins d’un an, car donné largement battu par l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.

Une fois rendu public, le vote pour l’approbation de ce rapport par la commission, prévu initialement ce mercredi, aura lieu la semaine suivante, le 26 octobre, a annoncé Omar Aziz.