Tchad: l’ex-opposant Succès Masra nouveau Premier ministre

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Au Tchad, l’ex-opposant Succès Masra a été désigné Premier ministre du gouvernement de transition ce 1er janvier 2024, selon un décret lu à la télévision nationale par le secrétaire général de la présidence. Plus d’informations à suivre.

Au Tchad, l’ancien opposant Succès Masra a été nommé Premier ministre ce lundi 1er janvier 2024, par décret du chef d’État de la transition, Mahamat Idriss Déby.

L’annonce a été faite par le secrétaire général de la présidence, Mahamat Ahmat Alhabo, au journal de la mi-journée de la télévision publique tchadienne Onama.

Son futur gouvernement aura pour mission d’organiser les élections devant mettre un terme à la transition – ouverte en avril 2021 à la suite de la mort de l’ex-président Idriss Déby – au plus tard en octobre 2024. Le gouvernement, dirigé par le président du parti Les Transformateurs, devra en particulier mettre en place l’Ange, l’autorité électorale prévue par la Constitution et élaborer une loi électorale.

Dans son discours de vœux du 31 décembre 2023, le président de la transition Mahamat Idriss Déby, fils d’Idriss Déby, avait évoqué l’inclusivité nécessaire dans la formation du nouveau gouvernement, et employé le champ lexical du renouvellement.

Il a donc choisi d’appeler à ses côtés celui qui était son plus farouche adversaire il y a encore quelques semaines…

Succès Masra était rentré au Tchad le 3 novembre après une année d’exil, consécutive aux violences meurtrières du 20 octobre 2022. Il avait trouvé un accord avec les autorités, sous la houlette de la facilitation congolaise à Kinshasa.

Succès Masra remplace ainsi Saleh Kebzabo, démissionnaire vendredi après avoir organisé et obtenu une large victoire du « oui » au référendum constitutionnel du 17 décembre 2023 : 85,90% contre 14,10%, avec un taux de participation de 63%.

À son retour, Succès Masra avait mené une grande caravane dans le sud du pays, enchaînant les meetings devant des foules très importantes. Après avoir promu un « ni oui ni non », il avait finalement appelé à voter « oui » à la nouvelle Constitution qu’il avait qualifiée « de moindre mal »…

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Evariste Ngarlem Toldé, politologueFrançois Mazet

« Ouverture du président et sens du devoir de Succès Masra »

Celui qui était il y a quelques mois encore le plus farouche adversaire de Mahamat Idriss Déby va donc devoir travailler sous son autorité mais le leader des Transformateurs a évolué, au point de s’attirer le soutien de l’ancienne majorité.

Joint par RFI, Jean-Bernard Padaré, porte-parole du MPS, ex-parti au pouvoir, salue le choix de l’ouverture du président de la transition et le sens du devoir de Succès Masra.

« Cela ne nous surprend pas du tout, au niveau du MPS. Nous avons été durs quand il était contre les intérêts de la nation. Maintenant qu’il a l’étoffe d’un homme politique, il n’est plus activiste, il devient un homme politique et, comme tel, c’est un Tchadien. C’est un brillant garçon et donc nous pensons qu’aucune compétence n’est de trop dans la phase actuelle de la refondation de notre pays. Donc, nous ne devons pas tout de suite commencer à le sanctionner ou bien à le critiquer. Nous sommes persuadés que la responsabilité de son devoir lui conseillera d’être davantage un homme d’État qu’un chef de parti politique. À lui maintenant la charge de gérer, à côté du président de la République, les affaires de la nation. Je pense que les deux pourront faire un bon attelage », a-t-il déclaré.

Voilà, le défi est là. Succès Masra, dans deux semaines, on va voir si la question de l’école sera réglé ? Est-ce que la question de la santé sera réglée, est-ce que la question de l’emploi des jeunes sera réglée ? Est-ce que la question de la confiscation de la démocratie sera réglée ?

Que pensent les habitants N’Djamena de cette nomination ?Olivier Monodji

« Nous, nous doutons fortement »

Ce rapprochement n’est pas une surprise pour les organisations qui continuent de dénoncer le déroulement de la transition et qui avaient appelé au boycott du référendum constitutionnel du 17 décembre dernier.

Joint par RFI, Max Kemkoye, du groupe de concertation des acteurs politiques GCAP, estime que Succès Masra est compromis avec les autorités, depuis l’accord de Kinshasa qui a permis son retour au pays début novembre, et qu’il est désormais complice du futur maintien au pouvoir du chef de la transition.

« Celui qui prétendument, hier, vendait du rêve aux Tchadiens comme quoi il s’est porté candidat pour une lutte pour le changement, est arrivé aujourd’hui. Il est la personne qui va préparer l’élection de Mahamat Idriss Déby qu’il a combattu hier. Il a réfuté toutes les résolutions du dialogue et aujourd’hui c’est lui qui revient pour pouvoir mettre en application les résolutions du dit dialogue. Entre autres, c’est la personne qui est aujourd’hui le Premier ministre qui disait, il y a quelques mois, qu’il va y avoir deux Tchad. Est-ce qu’il a changé de schéma mental ? Est-ce qu’il a changé pour pouvoir unir mieux les Tchadiens que lui-même avait divisés hier ? Donc, nous, nous doutons fortement. Pour le reste, Succès Masra doit se mettre au service, à quatre pattes, pour faire en sorte que Mahamat Idriss Déby soit élu président pour que la dynastie s’installe désormais au Tchad », considère-t-il.

Quant à la plateforme des organisations de la société civile, Wakit Tama, dont Succès Masra faisait partie, elle prévient qu’elle compte bien continuer de dialoguer avec le nouveau Premier ministre de la même manière qu’avant. Peu importe que ce dernier ait fait partie ou non de la plateforme.

Nous sommes toujours en train de dialoguer. Le fait qu’il était anciennement membre de Wakit Tama ne pose pas de question particulière. On le traite comme Premier ministre. Il doit donner des réponses à ce qu’attendent les Tchadiens.