Mali : une grande incertitude plane sur l’avenir de la Minusma

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En raison de vives tensions entre le Mali et les Nations unies, l’avenir de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies  pour la stabilisation au Mali (Minusma) est incertaine. Le gouvernement malien a ordonné l’expulsion de son porte-parole.  Il n’est pas exclu que certains  pays retirent leurs troupes du champ de bataille.  

Fin juin, le Conseil de sécurité de l’Onu prolongeait d’un an le mandat de la Minusma, sous réserve du gouvernement malien, opposé à certaines dispositions de la résolution adoptée, notamment la liberté d’investiguer  unilatéralement sur des questions relatives aux droits de l’homme des Casques bleus. Les autorités maliennes ont accusé, le 10 juillet, une quarantaine de soldats ivoiriens de vouloir conduire une opération de déstabilisation sur son sol, compliquant à nouveau les relations déjà tendues entre Bamako et les Nations unies. Le Mali a annoncé la suspension de l’ensemble de la Minusma et l’expulsion de son porte-parole, Olivier Salgado. Ce dernier aurait rapporté des « informations inacceptables » sur l’affaire des 49 militaires ivoiriens détenus à Bamako, selon un communiqué officiel. Le ministère malien des Affaires étrangères a donné 72 heures  à Olivier Salgado pour quitter le Mali, selon le communiqué.

Si le Mali maintenait sa décision,  plusieurs pays  pourraient être amenés à revoir leur engagement au sein de la Minusma, selon Ornella Moderan, chercheuse à l’Institut d’études de sécurité, citant l’Allemagne, la Suède ou le Royaume-Uni. L’Egypte n’a pas attendu. Elle a annoncé la semaine dernière la suspension temporaire de ses activités au sein de la mission onusienne, motivant sa décision par les attaques dont seraient victimes ses soldats.  Un expert en sécurité au WestAfrica Center for Counter Extremism (WACCE), Mukhtar Mumuni Muktar, pense que les récentes positions du Mali pourraient avoir des conséquences négatives sur l’avenir politique du pays. Selon lui, « si c’est vrai et que l’objectif est de couper les liens avec la mission de l’Onu, de couper les liens avec la France et les partenaires extérieurs liés à la France, c’est un geste dangereux, non seulement pour les dirigeants du Mali mais aussi pour le peuple malien et les perspectives de retour du pays à un régime démocratique et civil…»

Et la « souveraineté » du Mali !

Jonathan Offei-Ansah, analyste et éditeur de l’Africa Briefing Magazine-UK, invite au respect des choix du Mali, en tant que pays souverain. « Après tant d’années de présence des forces de maintien de la paix et des troupes étrangères dans le pays, les activités djihadistes n’ont pas diminué, donc si le gouvernement estime qu’il peut recourir à ses propres moyens pour contrer l’insurrection djihadiste, qu’il en soit ainsi. Cela va leur coûter de l’argent et d’autres choses, mais, s’ils pensent pouvoir le faire, oui pourquoi pas, après tout c’est un pays souverain », estime-t-il.  Cet analyste ajoute : «aucun pays n’est une île isolée. Le Mali doit donc travailler en accord avec ses voisins, non seulement avec la communauté internationale mais aussi avec ses voisins, pour contrer la menace djihadiste ». 

Créée en 2013 pour soutenir le processus politique malien, la Minusma compte 13.289 militaires et 1.920 policiers. La feuille de route énonçait deux missions essentielles pour le gouvernement transitoire : le rétablissement de l’intégrité territoriale et l’organisation d’élections libres et équitables et trois domaines d’intervention liés à l’organisation d’élections, à savoir la réforme du cadre juridique et institutionnel, la révision définitive des listes électorales, l’établissement d’un calendrier électoral, prévoyant des scrutins législatif et présidentiel avant la fin de juillet 2013. Elle prévoyait également la poursuite des opérations militaires aux côtés des forces de l’Opération Serval et de la MISMA en vue de reprendre les zones occupées par des groupes armés et de rétablir l’intégrité territoriale du pays, la pleine restauration de l’autorité de l’État dans le Nord, la réforme des forces armées, l’ouverture d’un dialogue avec les groupes qui renoncent à la lutte armée et adhèrent au caractère unitaire de l’État malien et à sa Constitution, le retour des réfugiés et des déplacés, le dialogue intercommunautaire et la lutte contre l’impunité. Neuf ans plus tard, les objectifs n’ont pas été atteints, obligeant les Nations unies à prolonger le mandat d’une année.  Une prolongation qui pourrait être vite écourtée.