La Cour constitutionnelle malienne a déclaré ce vendredi le colonel Assimi Goïta chef de l’État et président de la transition censée ramener les civils au pouvoir, indique un arrêt de la cour, parachevant le deuxième coup de force conduit par l’officier et les militaires en neuf mois.
L’arrêt de la Cour constitutionnelle malienne stipule que le vice-président de la transition, le colonel Goïta, « exerce les fonctions, attributs et prérogatives de président de la transition pour conduire le processus de transition à son terme », et qu’il portera « le titre de président de la transition, chef de l’État ». La Cour constitutionnelle en arrive là après avoir constaté la « vacance de la présidence » consécutive à la démission de celui qui était jusqu’alors le président de la transition, Bah N’Daw.
Assimi Goïta a par ailleurs rencontré ce vendredi pour la première fois toute la classe politique malienne. Il a commencé par justifier le récent coup de force avant d’appeler ensuite au rassemblement, rapporte notre correspondant à Bamako, Serge Daniel.
« Nous avons tous agi au regard de l’intérêt suprême de la nation, a assuré le colonel Goïta. À l’impossible nul n’est tenu. Il fallait choisir entre la stabilité du Mali et le chaos. Nous avons choisi la stabilité. Aujourd’hui, il y a trop d’enjeux autour du Mali, raison pour laquelle nous avons besoin d’une coalition, nous avons besoin de nous donner la main pour sauvegarder l’intérêt suprême de la nation. Nous n’avons pas d’autre choix ».
Assimi Goïta s’est alors proposé de nommer au poste de Premier ministre un membre du M5, le mouvement de contestation qui a participé à la chute de l’ancien président IBK. Dans la salle de rencontre, la proposition a fait grincer des dents. « Nous ne sommes pas d’accord, nous pensons qu’il fallait faire une concertation et proposer un Premier ministre neutre. Le M5 n’a aucune légitimité pour diriger le gouvernement aujourd’hui », a ainsi affirmé Modibo Soumaré, le président de l’Union des républicains patriotes.
Le M5 désigne Choguel Maïga
Lors d’une conférence de presse ce vendredi, le mouvement populaire n’a pas tardé à répondre à la proposition d’Assimi Goïta en désignant comme chef du gouvernement Choguel Maïga, le président du Comité stratégique du M5, rapporte notre envoyé spécial à Bamako, Sidy Yansané. Devant des centaines de sympathisants en liesse, la principale figure du M5 s’est montré imperturbable et a promis qu’aucun Malien ne sera laissé pour compte dans la gouvernance à venir.
Le porte-parole du Mouvement du 5 juin, l’homme d’affaire réputé Jeamille Bittar, a appelé à la tenue urgente des Assises de la transition pour ouvrir le dialogue entre Maliens.
Le mouvement avait pourtant critiqué à plusieurs reprises la militarisation du pouvoir. « Il n’y a pas d’incohérence », répond Jeamille Bittar, qui compte sur la bonne foi du Colonel Assimi Goïta, nouveau président de la transition, et sur les forces militaires et civiles afin de poser les fondations d’un Mali nouveau.
Réunion de la Cédéao dimanche
On a par ailleurs appris ce vendredi que les chefs d’État de la communauté ouest-africaine avaient rendez-vous dimanche à Accra pour un sommet dédié au dosser malien. Dans les différentes chancelleries contactées au sein de la sous-région, on ne cache pas une lassitude et un fort agacement face à la tournure des événements à Bamako.
La transition malienne tenait sur un attelage civilo-militaire inconfortable reconnaissent plusieurs ministres ouest-africains des Affaires étrangères, mais tous regrettent cette interruption sur la route devant mener le Mali à des élections.
Le président en exercice de la Cédéao, le Ghanéen Nana Akuffo Addo, a donc invité ses pairs dimanche à Accra pour que la communauté régionale parle d’une seule voix face à une situation qui la met dans une position délicate. Imposer de nouvelles sanctions au Mali fragiliserait une économie déjà éprouvée par les précédentes mesures prises après le coup d’État d’août dernier, et par l’impact de la pandémie de Covid-19.
Cependant, « nous ne pouvons pas renier nos principes » dit un ministre. La prise en main de la transition par les militaires au Tchad a déjà laissé un gout amer. « Nous ne voulons pas que ce genre de pratique prospère, dit un autre. Si le respect des institutions n’est pas défendu, c’est un recul démocratique ».