Les souvenirs de la musique congolaise : biographie et discographie du Grand maître Luambo Makiadi Franco (suite et fin)

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De succès en succès, Luambo Makiadi Franco s’affirme comme l’une des plus marquantes personnalités de la rumba authentique et galvanise les mélomanes par la finesse de ses qualités artistiques à partir desquelles il crée un style qui donnera naissance à l’école Ok Jazz, avec pour fondement la rumba odemba ou rumba lourde, communément appelée  « kilo ya Kinshasa ».

La rumba odemba marque des points et domine l’échiquier musical du Pool Malebo. Elle est adoptée par les orchestres Conga Succès, Co-Bantous, Kin-Bantous, Negro-Succès, Vévé, Lovy du Zaïre, Sosoliso du trio Madjesi, à Kinshasa, et Negro-Band, Tembo, Super Boboto, Mando Negro, à Brazzaville.

Au plan discographique, la satire est l’un des domaines où Luambo se distingue et excelle réellement dans l’écriture de ses textes, la plus part de ses œuvres étant des diatribes (Mbwakéla ou Mbokéla). Tiré à boulet rouge sur ceux qui le titillent semble être l’un de ses points forts. Egale à lui-même, il n’épargne personne et s’en prend pratiquement à tout le monde, du président de la République à la femme au foyer en passant par ses collègues artistes musiciens et le procureur de la République.

Parmi ses chansons, l’on peut citer « Nani a pédala ka té » (contre le président Kasavubu), « Course au pouvoir » et « Chicote », « Ba linga ka ngai té », « Où est le sérieux » (Philippiques à l’endroit de Kwamy, Vicky et Youlou Mabiala), contre ses détracteurs « Kinshasa mboka ya makambo », « Lettre à monsieur le DG » (contre les directeurs généraux des sociétés).

Au regard de ses œuvres, Franco dit tout haut tout ce que les autres se chuchotent à l’oreille. Il n’a pas non plus ménagé la gent féminine qui a subi parfois, avec virulence, les foudres de sa colère dans les titres « Na koma mbanda ya mama ya mobali na ngai », « 12 000 lettres», « Mamou», « Locataire», «To koma ba camarades pamba», etc.).

 Au cours de sa carrière, Luambo, auteur compositeur prolifique, a écrit plusieurs chansons d’une multiplicité de thèmes dans lesquelles il fait état de la vie sociale (To sambi ba pesi yo raison na quartier), des problèmes dans les couples (Matata ya mwasi na mobali esilaka té), la rivalité (Bokola bana ya mbanda na yo malamu, Ba ninga to kola ba linga ka ngai té), de la conscience nationale (Congo mibalé), les problèmes de la femme (La vie des hommes), la racine anti noire (pouvoir noir), l’amour («Ilusé», «Mario», «La vérité de Franco»), la publicité («Azda», « Pas un pas sans Bata», « Club de sept», «5 ans ya Fabrice»), l’homme dans tous ses états («Mobali a boyi na yé kaka», «Réponse de Mario», «Ba beaux-frères», «Yaya simon», «Très impoli»), la sorcellerie (Kimpa kinsangamani), les hommes politiques («Bokasa na Mobutu», «Ngai kaka Bomboko»), la violence faite aux femmes (Loboko), le malheur (Kinsiona), le football (FC 105 du Gabon), le nouvel an (Ba masta bonne année), la tromperie dans l’amour («Farceur», «Assitout», «Zénaba», «Makambo ézali minene»). Habitués à sa grande gueule, les mélomanes ont savouré sa musique et ont vécu ses colères, ses joies, ses tristesses que les vibrations de sa guitare ont accompagnées.

Luambo a puisé son inspiration dans la vie de tous les jours et dans le vécu de ses compatriotes. Chanteur populaire, il a été le plus grand peintre de la société congolaise, ses chansons sont d’habitude longues avec parfois des titres kilométriques.

Il sied de noter que le Grand maître Franco a composé des centaines d’œuvres qui font de lui, incontestablement, le plus prolixe et le plus fécond de la musique congolaise moderne, et aucun de ses congénères n’a produit plus de chansons que lui.