Gaza assiégée: vers un report de l’opération humanitaire à Rafah ?

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Alors que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a plaidé jeudi au Caire pour « un accès humanitaire rapide et sans obstacle » de l’aide humanitaire à Gaza, il semblerait que l’opération qui devait débuter ce 20 octobre soit reportée. Quelque 2,3 millions d’habitants attendent désespérément l’ouverture du point de passage de Rafah.

Le début de l’opération humanitaire dans le sud de la Bande de Gaza risque d’être reporté à plus tard pendant le week-end. L’Égypte affirme réparer l’infrastructure routière dans le secteur. « Pas pour aujourd’hui », estime-t-on du côté israélien. L’ouverture du couloir humanitaire à partir de l’Égypte via le point de passage de Rafah pourrait ainsi être repoussée à demain samedi ou dimanche, rapporte Michel Paul, à Jérusalem.

Sur place, on indique que les routes qui ont été bombardées par l’aviation israélienne sont toujours impraticables, mais les médias en Israël affirment que ce retard pourrait également être lié à la question des quelque 200 otages israéliens et internationaux retenus dans la bande de Gaza. Le blackout le plus complet est observé en tout cas autour d’éventuelles tractations à leur sujet.

Israël affirme qu’à ce stade, environ 700 000 réfugiés du nord de l’enclave palestinienne sont passés vers le côté sud et que leur nombre pourrait augmenter considérablement avec le début de la distribution de l’aide humanitaire. Le cabinet de guerre israélien a entériné l’offensive terrestre. 

En attendant, al-Arich, à une cinquantaine de kilomètres de Gaza, croule sous l’aide venue des pays arabo-musulmans, et du reste du monde, de la Corée au Venezuela en passant par la Russie, relate Alexandre Buccianti,  au Caire. Il ne faut pas non plus oublier une bonne centaine de poids lourds porteurs d’aide égyptienne et qui attendent près de Rafah depuis huit jours.

Des binationaux dans l’attente de sortir de Gaza

Le passage de l’aide doit se faire après une coordination entre les autorités égyptiennes et les organisations spécialisées des Nations unies qui, elles-mêmes, obtiendront le feu vert israélien. Mais il y aura aussi un passage dans le sens Gaza-Égypte. Dès le début du conflit, Washington avait demandé à l’Égypte de laisser passer par Rafah plusieurs centaines d’Américano-palestiniens. Mais l’Égypte avait exigé, en contrepartie, le passage de l’aide humanitaire vers Gaza. Selon les envoyés spéciaux de chaînes d’infos égyptiennes, plus d’un millier de personnes attendent, côté palestinien, de pouvoir emprunter le point de passage pour sortir de Gaza. Il s’agit principalement d’étrangers ou de binationaux.

Les États-Unis et Israël préviennent : si le Hamas met la main sur les denrées ou les empêche d’arriver, l’accord d’ouverture du point de passage de Rafah côté égyptien ne tiendra plus.

« A priori, le Hamas a plutôt intérêt à ce que l’aide arrive aux Palestiniens vu la dégradation catastrophique de la situation humanitaire, analyse David Rigoulet-Roze, chercheur rattaché à l’Institut français d’analyse stratégique. S’il mettait un obstacle, ça pourrait se retourner contre lui. Et puis, par ailleurs, il y a un autre aspect, c’est qu’il y a une conditionnalité de l’aide, c’est ce qu’a rappelé le président américain : si elle devait être détournée, ça remettrait en cause l’accord pour l’ouverture du poste de Rafah. Ça a été martelé, évidemment, par les autorités israéliennes. Donc, a priori, on peut penser, on peut espérer, pour la population civile qui en a besoin, que cette aide leur parviendra autant que possible. Les camions en question, ils vont acheminer l’aide directement à la population, donc de toute façon, ceux qui transporteront l’aide verront aussi les destinataires. Ce sera assez rapidement évaluable pour l’amélioration des conditions de vie de la population. »

Gaza compte trois checkpoints principaux. Mais, sans permis israélien délivré, le passage de Rafah est la seule sortie possible pour les Palestiniens de la Bande.
Gaza compte trois checkpoints principaux. Mais, sans permis israélien délivré, le passage de Rafah est la seule sortie possible pour les Palestiniens de la Bande. © Anthony Terrade/RFI