Affaire Djeno: Sassou Nguesso joue sa dernière carte avec le pétrole

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Toute honte bue jusqu’à la lie, le ministre des Hydrocarbures Jean Marc Thystère Tchicaya a annoncé que le terminal pétrolier de Djeno, actuellement opéré par un consortium TOTAL – ENI, passera unilatéralement le 18 novembre prochain sous pavillon congolais. Le ministre brandit l’argument de l’amélioration de la part du Congo dans son pétrole. Cet argument est pourtant irrecevable comme le démontre l’étude du revenu pétrolier par Global Witness : le Congo a perçu en 2017 l’équivalent en dollars de moins de 3 % de sa production totale de pétrole et de gaz du fait des détournements des oligarques congolais.




Ce coup de menton a de quoi étonner. Si comme le clame le ministre, la rétrocession était l’option envisagée, il aurait fallu une longue préparation bien avant l’échéance pour éviter tout risque de catastrophe logistique, financière ou écologique. Il est irresponsable de confier un terminal pétrolier géant à un régime qui a été incapable de gérer une armurerie d’une caserne militaire.




En effet, le 4 mars 2012, une caserne militaire qui servait d’entrepôt pour les explosifs de la société Escom – Espirito Santo, actionnaire à 5% de la SNPC ASIA, a explosé, rasant le quartier populaire de Mpila – Ouenzé et en tuant des centaines de Congolais. En l’état, la SNPC et sa branche logistique, la SCLOG, n’ont pas la capacité d’opérer en propre le Terminal de Djeno. L’intention du régime est donc d’y introduire un tiers, le Chinois Wing Wah, comme opérateur sous contrat pour le compte de la SNPC et du local content familial (Orion Oil, AOGC, Sapro oil, Petco, etc.) en garantie pour de nouveaux emprunts léonins et du remboursement de la dette odieuse envers Pékin.
Il s’agit aussi, à l’approche de l’élection présidentielle de 2021 de se racheter une virginité souverainiste sur le modèle du décret 2007 du gouvernement de Hugo Chavez au Vénézuela. En réalité, le pétrole congolais est déjà de facto un bien familial et personnel de Denis Sassou Nguesso.
La politique pétrolière du régime Sassou Nguesso peut être résumée par le mot « extorsion ». Depuis le retour aux affaires par les armes en 1997, la moyenne de la part du Congo dans sa production de pétrole n’a jamais dépassé 21% sur l’ensemble des permis où la SNPC a des participations. Dans le détail, à l’exception des permis MAYOMBE (100%) et MENGO-KUDJI-BINDI II (60%) — héritage de la politique du Président Pascal Lissouba — la part de la SNPC dépasse difficilement les 15%. En excluant ces deux permis la moyenne tombe de 21% à 17%.




Ainsi, la velléité d’opérer Djeno en 100% SNPC, est une rupture du contrat tacite entre Sassou Nguesso et les pétroliers.En 40 ans d’exploitation, Denis Sassou NGUESSO a réussi l’exploit de transformer la manne pétrolière en montagne de dettes pour l’Etat congolais, aggravant plus encore la légende noire du secteur ; toute à l’opposé de son scandaleux enrichissement personnel.
Pour nous, il n’y a pas de malédiction du pétrole ; il n’y a qu’une malédiction d’une gouvernance tyrannique et archaïque incapable de se réformer pour libérer l’immense potentiel du territoire congolais.




Pour nous encore, TOTAL est une société innovante aux prises avec les méandres de la kleptocratie congolaise et qui doit lutter chaque jour dans un environnement incertain, juridiquement, fiscalement, socialement et sécuritairement. Cette façon de faire des affaires n’est plus viable en ce moment de sévère crise économique ; cet ultimatum du ministre des Hydrocarbures est une opportunité de briser le pacte corruptif hérité de la société Elf. La société pétrolière française ne doit plus rester aveugle et sourde aux souffrances de la population congolaise. Les députés italiens ont courageusement appelé à un moratoire de deux ans de la production en République du Congo de la société italienne ENI et la justice à Milan juge Claudio Descalzi, CEO Monde d’ENI, pour des faits de corruption internationale.




TOTAL doit maintenant faciliter l’ouverture du régime par la contrainte financière. Sortons du mythe enfantin et stérile de l’homme fort de l’ère chiraquienne! Il y a urgence à agir dans l’intérêt de tous. La société ouverte et la démocratie libérale sont les remèdes que nous préconisons. Paris ne peut pas rester en marge de cet impératif de justice.
Cette ouverture du régime et les réformes immédiates qui seront mises en place éviteront, nous l’espérons, au pays de sombrer définitivement dans le chaos.
Andrea Ngombet