Congo-Justice -Energie : vers la dévolution du pouvoir judiciaire et de E2C

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La réforme dans la justice congolaise et à celle de E2C pour laquelle une réunion sur le dossier d’affermage se tient à la primature ce 15 avril, suscitent des questions et des soupçons de manœuvres peu orthodoxes qui prennent à contrepied l’organisation du pouvoir judiciaire, de la chaîne de production et de distribution d’électricité. Décryptage

L’organisation du pouvoir judiciaire constitue une pierre angulaire de l’État de droit. En République du Congo, la loi n°022-92 du 20 août 1992 a établi une architecture judiciaire conforme aux exigences d’indépendance et d’efficacité. Toutefois, les lois n°19-99 du 15 août 1999 et n°17-2004 du 27 octobre 2004 sont venues en modifier certaines dispositions, révélant à la fois des évolutions institutionnelles et des ajustements politico-juridiques dans la structuration du pouvoir judiciaire.
Charles Assemekang, Placide Lenga et Gaston Mambouana, passés illustres vénérables Présidents de la Cour Suprême n’ont jamais avili cette fonction au point où l’a réduite le tricheur M. Henri Bouka. Quelles sont ses réelles motivations ? Cui Bono ?
Deux principes d’investigation nous ont guidé dans la production de ce papier. Aliquis non debet esse judex in propria causa : Nul ne peut être juge dans sa propre cause. Aliud est celare, aliud tacere : Cacher est une chose, taire en est une autre (distinction entre un acte de commission et une simple omission).

Dispositions structurantes des lois 1992, 1999 et 2004

Les trois lois affirment que la justice est rendue par un seul ordre juridictionnel, confirmant l’option pour un système unitaire. Il y a prééminence du principe de l’unicité de l’ordre juridictionnel. Cette constance témoigne d’une volonté de cohérence institutionnelle et de lisibilité pour les justiciables. Cependant, la loi de 1999 introduit un classement des juridictions en hors classe, première et deuxième classe, selon des critères non clairement explicités, ouvrant la voie à des disparités dans les moyens et la reconnaissance. Une réforme pour clarifier les critères de classement et garantir un financement équitable de toutes les juridictions est licite.

De même, la loi de 1999 confère à la Cour des Comptes une compétence renforcée sur les organismes subventionnés, les sociétés d’économie mixte et les entités parafiscales, illustrant une volonté d’étendre le contrôle de la gestion publique. Toutefois, l’articulation entre les missions juridictionnelles (jugement des comptes) et les missions de contrôle (vérification de conformité) reste floue, créant une tension potentielle entre les fonctions de juge et d’auditeur. Une réforme pour séparer fonctionnellement les missions d’audit et les fonctions juridictionnelles au sein de la Cour des Comptes nous paraît licite.

La Cour Suprême est définie comme la plus haute juridiction, y compris pour les recours contre la Cour des Comptes. Mais cette dernière conserve un droit de révision interne sur ses propres arrêts. Cela soulève une ambiguïté sur la hiérarchie effective entre les deux institutions, et interroge la lisibilité des voies de recours. Une réforme pour harmoniser les voies de recours pour garantir l’unicité du contrôle juridictionnel suprême nous semble licite.
Alors que les trois lois prévoient la possibilité de création de juridictions à l’échelle des régions ou des districts, aucune garantie d’égal accès territorial à la justice n’est prévue. Les textes restent silencieux sur les délais de déploiement ou les moyens alloués à la justice locale. Une réforme pour adopter une loi de programmation judiciaire avec des objectifs mesurables de territorialisation des juridictions.

C’est ici qu’il faut souligner que les trois lois confient une large autonomie d’organisation aux assemblées générales des juridictions, mais l’absence de cadre de performance ou d’évaluation des formations juridictionnelles fragilise l’efficience du service public de la justice. C’est d’ailleurs le réel sens de l’intervention de M. Sassou en sa qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature. Une réforme pour instituer un mécanisme d’évaluation annuel des juridictions fondé sur des indicateurs objectifs (délais de traitement, taux d’exécution des décisions, etc.) nous paraît licite. Dans le même ordre de réforme, dans le prolongement du modèle OHADA, il serait judicieux d’instituer une juridiction financière autonome, distincte de la Cour des Comptes, en charge du contentieux budgétaire et de la discipline financière, afin de préserver l’impartialité de l’audit public.

Une réforme précipitée et politiquement suspecte

La temporalité de la réforme de 2025 proposée par M. Henri Bouka interroge : elle intervient à la veille d’un Conseil Supérieur de la Magistrature, instance clé de nomination, d’avancement et de discipline des magistrats. Une telle réforme, opérée dans un climat de préparation institutionnelle intense, manque de sérénité, alors même qu’elle touche à l’ossature du pouvoir judiciaire. Ce timing soulève une série de questions de fond sur les intentions inavouées :
• Cherche-t-on à redéfinir à la hâte les équilibres de pouvoir au sein de la magistrature ?
• S’agit-il de préparer ou sécuriser des nominations clés, en modifiant les règles du jeu institutionnel au dernier moment ?
• Assiste-t-on à une tentative de resserrer le contrôle politique sur la chaîne judiciaire, via des ajustements présentés comme techniques mais aux effets systémiques ?
Nous affirmons que toute réforme de la justice, a fortiori à la veille d’un Conseil de la Magistrature, doit faire l’objet d’un large débat public, d’une consultation des corps judiciaires, et d’un examen parlementaire approfondi, afin de préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire.

D’ailleurs, le modus operandi retenu démontre le caractère séditieux et fourbe de la démarche entreprise : « les magistrats écouteront et débattront, sur le rapport du premier président, des suites à donner, sans autre délai que celui qui dicte le rayonnement de notre système judiciaire (…) ».

Les magistrats semblent donc ne détenir par devers eux aucun des éléments de réflexion qui seront produits à la rencontre. Ils sont réduits à écouter et débattre sans avoir réellement préparé la rencontre, faute de mise à dispositions de dossiers de travail sérieux. Dans cette précipitation savamment orchestrée, ils seront donc pris à la hussarde, hic et nunc, pour « valider » le rapport du premier président Henri Bouka. Étonnant de légèreté et d’ignominie à ce niveau de l’Etat. Un véritable trafic d’influence en règle qui n’étonne en rien venant de l’élu au conseil local de la Confédération Syndicale Congolaise à Makoua en 1964 qui a 82 ans actuellement et non cent !

Les réformes futures devraient viser à renforcer la transparence, la lisibilité des compétences, et l’égal accès à la justice sur l’ensemble du territoire. Il en va de la crédibilité de l’État de droit et de la confiance des citoyens envers leurs institutions. A l’image de la réunion convoquée par Henri Bouka du 17 au 18 avril sans donner des éléments en amont aux magistrats, de même, Anatole Collinet Makosso (ACM) via Serge Blaise Zonabia, en toute opacité, invite certaines personnes pour une réunion ce 15 avril 2025 sans préciser l’objet et autres. Quelle administration ? Pire, l’avis n*0020/PM-CAB est signé la veille. Que cache cette façon de travailler ? Certes, ACM a conçu la constitution du 25 novembre 2015 sur les mesures de M. Sassou et valider les recrutements de la racaille à l’université dépourvue d’expérience, mais il doit comprendre que la justice et l’énergie sont des domaines très sérieux pour tricher avec.
Pax Vobis !

Ghys Fortuné BEMBA DOMBE