Electricité: Une nouvelle « prise d’otages », orchestrée par des italiens, à Brazzaville et à Pointe-Noire

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La direction de notre opérateur public national, Énergie Électrique du Congo (EEC), a récemment informé la population qu’une « prise d’otages » était en cours en raison de la nécessité de retirer une turbine de 150 MW de la Centrale Électrique du Congo(CEC) pour sa révision périodique. Par conséquent, des perturbations dans la fourniture d’électricité seront observées pendant au moins 40 jours à Brazzaville et à Pointe-Noire. Pourquoi est-ce une « prise d’otages » ? Explications.

Selon de bonnes sources, et non des moindres, dès le départ, lors de l’implémentation de cette centrale à gaz par le partenaire italien ENI, ce dernier a imposé unilatéralement des choix techniques discutablement restrictifs en installant deux turbines de 150 MW chacune, soit une puissance installée totale de 300 MW. Les cadres techniques congolais ont tenté, en vain, d’infléchir cette décision en proposant l’installation de turbines de 30 MW chacune. Malheureusement, ces suggestions ont été accueillies avec hostilité par leur hiérarchie.

À titre comparatif, les centrales similaires dans la sous-région, telles que celles situées à Soyo en Angola et à Kribi au Cameroun, utilisent des turbines de 30 et 25 MW. Cette configuration permet une plus grande souplesse d’exploitation ; c’est-à-dire que l’indisponibilité d’une turbine n’est pas ressentie aussi fortement ou peut être facilement compensée.

En outre, la mise en marche simultanée des deux turbines a conduit à un effondrement du réseau électrique et à d’importantes perturbations. Un bureau d’études italien a été sollicité pour remédier à cette situation ; bien que des améliorations aient été apportées, des problèmes résiduels persistent. En cas d’indisponibilité ou de maintenance d’un groupe de 150 MW — ce qui représente plus que la production totale du barrage d’Imboulou — il n’existe aucune source alternative pour compenser ce déficit énergétique criant. Si les turbines étaient moins puissantes, les défaillances seraient moins ressenties. Par la suite, le partenaire ENI a ajouté, au grand désarroi des techniciens congolais, une turbine supplémentaire de 170 MW.

Ce schéma se répète régulièrement : au cours d’une année, trois ou quatre fois, une turbine est retirée du réseau pour maintenance pendant une durée allant de 10 à 15 jours, rendant la continuité du service incertaine. Cette situation engendre des coûts significatifs pour l’économie congolaise et pour l’ensemble de la collectivité, chiffrés en centaines de millions voire en milliards de francs CFA. Ces coûts peuvent être quantifiés comme suit : baisse de la production industrielle additionnée aux dépenses engagées pour mettre en place des solutions alternatives coûteuses destinées à pallier le déficit énergétique.

Ce mode de fonctionnement chaotique du secteur électrique congolais est récurrent et découle des choix technologiques discutables effectués lors de sa création. Tel un péché originel, cette situation risque de perdurer indéfiniment tant que l’architecture actuelle des infrastructures de production demeure inchangée. Il est manifeste que cela ne pourra attirer qu’un nombre restreint d’industriels sérieux et pourrait inciter à une désindustrialisation inévitable.

Enfin, les consommateurs restent impuissants face à cette situation où la CEC agit tel un « preneur d’otages ». Elle ne relâchera son emprise que lorsqu’elle aura atteint ses objectifs et reprendra son cycle infernal dès qu’elle le jugera opportun ; ce sera alors un éternel recommencement pour les siècles à venir!

A. Ndongo, journaliste économique et financier