Figa Gate: le cas Lydia Mikolo et la politisation de la justice

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Politisation du judiciaire ou judiciarisation du politique?

Les ministres congolais en fonction sont-ils justiciables? La question mérite d’être posée au moment où la ministre des petites et moyennes entreprises et de l’artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, soupçonnée( à tort ou à raison?) d’actes de prévarication dans la gestion du Figa, dont elle assure la tutelle, essuie une volée de bois vert dans les réseaux sociaux et autres lieux publics où s’exerce la sentence populaire à la congolaise.

Des documents et pièces comptables du Figa -authentifiés par nos soins-, abondamment relayés dans les réseaux sociaux, présentent madame la ministre comme la bénéficiaire des fonds sortis des comptes du Figa à cet effet . Vrai ou faux?

« Il s’agissait d’aumônes ou cadeaux du directeur général du Figa, Armel Mbouloukoué, à sa ministre de tutelle dont il a d’ailleurs soutenu la campagne politique à Mouyondzi lors des législatives 2022. De ce point de vue, un cadeau ne saurait être assimilé à un détournement de fonds », tente de dédramatiser, sous couvert d’anonymat, un homme lige de la ministre des PME et de l’Artisanat. Aumône, cadeau ou détournement, Jacqueline Lydia Mikolo reste, pour l’instant, protégée par son statut de ministre en fonction. Une immunité qui ne repose sur aucune loi.
Au Congo, il existe, sur le papier la Haute cour de justice, une juridiction d’exception.

Cette question a été clairement réglée en France, pays de référence qui assiste le Congo dans le cadre de la coopération juridique. La Cour de justice de la République (CJR) est la juridiction française d’exception compétente pour juger les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions.
En rapport avec le cas Mikolo, la Haute autorité de lutte contre la corruption(Halc) aurait introduit une requête auprès de la Cour suprême, aux fins qu’elle se prononce, dans un délai de 15 jours, sur le cas de la ministre des PME et de l’Artisanat.

Ce délai, en dépassement, serait retardé, selon certaines indiscrétions, par les changements intervenus à l’occasion des dernières nominations par le conseil supérieur de la Magistrature.
Il est probable, dans le cas Mikolo, que la politique soit le seul recours dont on pourrait se servir pour pousser la ministre des PME et de l’Artisanat vers la porte de sortie.

Sauf que Mikolo n’est pas n’importe qui. Elle rappelle au bon souvenir de son feu père Mikolo Kinzonzi, fidèle parmi les fidèles du président Denis Sassou Nguesso et du Pct pendant les moments de braise et de « traversée du désert » sous le régime de feu le président Pascal Lissouba. Jean-Jacques Bouya, un autre homme puissant qui a facilement accès au Chef, est présenté comme son  » parapluie grand format ». Cela suffit-il pour que Jacqueline Lydia Mikolo bénéficie d’un blanc seing? La première possibilité serait que le Pct auquel appartient Mikolo lui recommande politiquement et diplomatiquement une démission, qui la met hors fonction politique.

Ainsi, pourrait-elle se débarrasser de son scaphandre de politique pour répondre à la convocation d’un tribunal de droit commun classique. Si elle en sort blanchie, Mikolo pourrait aisément faire son come back à l’exécutif. La deuxième alternative, c’est que le premier ministre, chef du gouvernement, Anatole Collinet Makosso, use de ses prérogatives, avec l’onction du président de la République, pour défenestrer Mikolo. Enfin, si le premier voudrait donner l’image d’un homme d’Etat. Je doute cependant qu’elle puisse être mise sous clef au terme d’une audition.

Le cas Mikolo remet au goût du jour les relations incestueuses qui existent entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. Lorsqu’un ministre en fonction est soupçonné d’indélicatesses gravissimes au Congo, il faut le feu vert politique. Il arrive aussi que l’exécutif se réfugie derrière le judiciaire pour hypocritement se désolidariser d’un des leurs en fonction, présumé coupable d’actes répréhensibles.

Le Congo n’est pas seul dans cette pratique de politisation du judiciaire ou de judiciarisation du politique. Même la France n’est pas encore un modèle parfait en matière de séparation de pouvoirs à la Motesquieux ( pouvoir exécutif, pouvoir judiciaire et pouvoir législatif). L’affaire cleastream 1 et 2 en France en est une parfaite illustration.

A.Ndongo, journaliste économique et financier