Congo : l’église, le parlement et le gouvernement en danger

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Selon une enquête réalisée par un sociologue sur un échantillon de mille Congolais aux mois de janvier et février 2024, 931 individus pensent que le parlement et le gouvernement sont plus que jamais corrodés par des antivaleurs. L’Église dont on dit qu’elle est morale, n’est pas malheureusement en reste. Celle-ci assiste complaisamment à la déliquescence de la société volontairement causée et entretenue par la puissance publique. On paupérise le peuple, on viole, on tue, et l’Église est muette. L’omerta et l’amnésie y ont pris corps. Ni la représentation nationale, ni la communauté ecclésiale toutes confessions confondues, ni même ceux qui se disent « amis du pauvre et prétendent éclairer la cité » toutes obédiences confondues, personne ne lève son petit doigt pour crier haro sur les dérives, l’insensibilité et la cruauté du gouvernement. Les Congolais sont plongés dans une précarité innommable tandis que les gens du pouvoir mènent une vie ostentatoire.

Décryptage.

Le parlement congolais qui se décline à tort ou à raison, en tant que représentation nationale, a pris délibérément l’option de se dévoyer en faisant un pied de nez au souverain primaire. On n’a pas besoin de se donner bonne conscience quand on sait que les résultats des suffrages ont subi un tripatouillage éhonté. C’est un secret de polichinelle, les parlementaires qui siègent à l’hémicycle ont été cooptés et beaucoup d’entre eux ne servent que de décors au point de ne pas comprendre le fonctionnement d’un parlement. Sont – ils même capables de rédiger une proposition de loi ? L’assemblée nationale congolaise a perverti la mission qui lui incombe, celle, entre autres, d’assurer le contrôle de l’action gouvernementale. Combien de ministres ont été interpellés à la suite de malversations constatées et connues du souverain primaire ? Les 14 mille milliards des générations futures disparues, la route imaginaire qui a englouti 137 milliards de francs CFA, les municipalisations accélérées de Pointe-Noire et de Brazzaville, le scandale FIGA avec l’entrée en force dans la camorra du conseiller du premier ministre Diatou, etc…Tout ceci n’a nullement inquiété la représentation nationale restée de marbre.

Aucun membre n’ a osé demandé la déchéance d’un ministre ou d’une autorité administrative. Une institution sérieuse à l’image du Conseil Constitutionnel Sénégalais qui a fait reculer Macky Sall, aurait diligenté des enquêtes. Mais le parlement congolais est resté dans le confort de sa situation de privilégiés se moquant éperdument du peuple. Il est volontairement myope devant le bradage des ressources naturelles, sans cœur devant la misère galopante des congolais, se délectant de leur gueuserie expressément entretenue par le pouvoir de Mpila. Que peut-on attendre d’un parlement clanique aux ordres du prince ? On ne peut se dire représentation nationale si la pluralité d’idées est mise sous le boisseau. Quant à l’exécutif, il donne l’image d’un serpent qui se mord la queue, pire d’un ogre qui se nourrit de ses petits. Son action est un désastre. Son incompétence sur de nombreuses problématiques est notoire. Il fait piètre figure dans la sous-région. L’insécurité, le vol, la concussion et la corruption, pour dire peu, sont monnaie courante. Ces fléaux se sont exacerbés. Le gouvernement a donné sa langue aux chats, incapable d’éradiquer ces phénomènes qui durent depuis des dizaines d’années.

Les bébés noirs, les voleurs de la République, tous les malfrats écument nos villes et nos administrations. L’État se meurt. L’autorité de l’État est bafouée. Mais quel État? État de droit ou État de violence? État de justice pure ou État d’une justice à deux vitesses où le fretin est mis aux arrêts et le gros poisson passe allègrement à travers les mailles grand-ouvertes de la nasse. Les deniers publics sont accaparés par des citoyens véreux pour en faire des trésoreries privées et familiales. Pendant ce temps, les travailleurs évoluant dans les lycées d’excellence d’Oyo et de Mbounda, en grêve depuis 21 jours, totalisent 26 mois d’arriérés de salaires, les agents de la la Sopeco broient également du noir avec 41 mois d’impayés, les retraités versent toutes les larmes de leur corps pour demander le paiement de leurs arriérés et arrérages. Le gouvernement fait la sourde oreille à toutes ces revendications. Pourtant les « nguiris » sont pleins à craquer remplissant à ras les maisons des dignitaires du pouvoir.

Cruauté des cruautés! Plus grave, le président de la République Denis Sassou Nguesso a déclaré 2024 année de la jeunesse, son premier ministre Anatole Collinet Makosso a patronné il y a un mois les États généraux de l’enseignement avec des beaux discours et le ministre de la jeunesse, Hugues Ngouolondélé parle de créations d’emplois et des recrutements des cerveaux en Europe. Vœux pieux ! Le doute a gagné les esprits, on voit le navire Congo chavirer. Sera t-on capable de relever les nombreux défis qui se posent à la jeunesse? La formation et l’emploi constituent des nœuds gordiens dans la vie des jeunes congolais. C’est bien que le président Sassou pose la première pierre de l’université de Loango, inaugure l’antenne de l’agence de régulation des postes et des communications électroniques de Pointe Noire, du Data Center et met en service le nouveau câble sous-marin du Consortium 2africa de Méta au Congo.

Ces infrastructures qui redorent le blason de MM. Sassou et Collinet rejetés par 85% des congolais ont été réalisées grâce à la vision du directeur général Yves Castanou qui rêvait de faire entrer le Congo dans le top 5 des plus grands pays du numérique en Afrique, grâce aussi au leadership du D.G Louis Marc Sakala qui a pu négocier nuit et jour avec Méta, GVA, Airtel, MTN, etc. Le conseiller du premier ministre Luc Missidimbasi et celui du président de la République, Yves Ikonga ont apporté également une touche non négligeable avec l’accord bien sur, du ministre Juste Léon Ibombo. S’il est vrai que ces infrastructures vont générer quelques emplois et renflouer les caisses du trésor public, donneront-elles des opportunités aux étudiants pour que du point de vue de l’efficacité interne et externe on puisse aboutir à une véritable adéquation formation emploi.

Doit-on espérer aux emplois, quand on sait qu’une partie de la bagatelle de la production du gaz naturel liquéfié qui va être lancé bientôt coule depuis longtemps dans les tuyaux des dignitaires de Mpila qui gagent tout ?

L’Église en question

On ne peut pas dire que les Congolais ont perdu la ferveur religieuse. Les églises fleurissent dans tous les coins de rue. Il y en a qui se mercantilisent, devenant des églises de réclame avec une théologie qui ne fait pas corps avec les souffrances des populations. Les promesses de l’avènement d’un monde meilleur fusent de partout. Les dirigeants des églises se compromettent dans des situations scandaleuses jusqu’à se faire berner par les dirigeants politiques qui les appâtent facilement. L’éthique est sortie par la grande porte des églises. Les familles n’ont plus de repères à tout point de vue.

Tout le monde s’accorde pour dire que la crise que le Congo traverse est multidimensionnelle. Elle est politique, sociale, morale. L’Église qui devrait réguler la société et la famille semble-être en perte de vitesse.


Ghys Fortune BEMBA DOMBE