« Sans l’Afrique la France serait encore allemande »: répondent sèchement le Tchad et Sénégal à Macron

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Les propos d’Emmanuel Macron sur le retrait des forces françaises d’Afrique ont suscité des réactions cinglantes au Sénégal et au Tchad. Ces pays réfutent un départ négocié et rappellent le rôle historique des Africains dans les guerres mondiales.

Les propos d’Emmanuel Macron, tenus ce 6 janvier 2025 lors de la conférence des ambassadeurs à Paris, ont suscité de vives réactions au Sénégal et au Tchad. Le président français, en évoquant le retrait des forces françaises d’Afrique, a affirmé que la France a proposé de réorganiser sa présence militaire en Afrique, laissant aux dirigeants africains l’initiative des annonces, tout en précisant que dans certains cas, cette réorganisation a nécessité une certaine insistance de la part de Paris.

Emmanuel Macron a aussi dénoncé « l’ingratitude » de certains dirigeants africains, estimant que « sans l’armée française, aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui à la tête d’un pays souverain ». Des déclarations, jugées condescendantes par plusieurs dirigeants africains, qui ont provoqué des réponses fermes et directes.

Le Tchad fustige une « attitude méprisante »

Qualifiant les propos de Macron d’« attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains », le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a, dans un communiqué publié quelques heures après le discours du président français, a rappelé le rôle crucial joué par les Africains dans l’Histoire de la France.

« L’Histoire atteste que l’Afrique, y compris le Tchad, a joué un rôle déterminant dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales, un fait que la France n’a jamais véritablement reconnu », a-t-il déclaré.

Un peu plus de 800 000 hommes issus des colonies françaises, notamment d’Afrique et d’Indochine, ont été mobilisés comme soldats ou travailleurs durant les deux guerres mondiales. Parmi eux, près de 57 000 ont perdu la vie et plus de 14 000 sont portés disparus, selon les données de Histoire et mémoires des deux guerres mondiales.

Les propos du Président Macron à propos du départ prétendument négocié de l’armée française au Sénégal et au Tchad sont démentis par les deux pays. Encore une fois, la désinvolture et les paroles non maîtrisées aggravent les relations internationales de notre pays. La diplomatie…— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) January 6, 2025

Ces prises de position interviennent dans un contexte de révision des accords de défense entre la France et plusieurs pays africains. Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a récemment affirmé que les bases françaises étaient « incompatibles » avec la souveraineté nationale et qu’elles disparaîtraient bientôt. Le mois dernier, le Tchad a mis fin à son accord de coopération en matière de défense avec Paris. En Côte d’Ivoire, le camp du 43e bataillon d’infanterie de marine de Port-Bouët sera rétrocédé à l’armée ivoirienne ce mois-ci, selon une annonce du président Alassane Ouattara. Ces décisions s’inscrivent dans un contexte où, il y a plusieurs mois, le Burkina Faso, le Mali et le Niger avaient déjà rompu leurs accords de défense avec la France, dénonçant l’échec des opérations antiterroristes au Sahel.

Le ministre tchadien a également critiqué la perception française du partenariat militaire en affirmant qu’ « En 60 ans de présence, marqués par des guerres civiles et une instabilité prolongée, la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien. »

Il a conclu en invitant la France à respecter l’aspiration des peuples africains : « Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière… Nous invitons nos partenaires, y compris la France, à intégrer cette aspiration légitime dans leur approche des relations avec l’Afrique. »

Le Sénégal dénonce des propos « erronés »

Du côté du Sénégal, le Premier ministre Ousmane Sonko a pris la parole sur les réseaux sociaux pour réfuter les affirmations de Macron selon lesquelles le départ des bases françaises aurait été négocié.

« Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour, et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain », a-t-il martelé sur Facebook.

Le Président Emanuel Macron a affirmé aujourd’hui que le départ annoncé des bases françaises aurait été négocié entre les pays africains qui l’ont décrété et la France.

Il poursuit en estimant que c’est par simple commodité et par politesse que la France a consenti la primeur… pic.twitter.com/kNrBtkEGE0

— Ousmane Sonko (@SonkoOfficiel) January 6, 2025

Sonko a également dénoncé une vision biaisée de la souveraineté africaine : « Le président Macron déclare qu’aucun pays africain ne serait aujourd’hui souverain sans la France. Constatons que la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté. »

L’homme d’État sénégalais est allé plus loin en soulignant l’importance des soldats africains mobilisés lors des guerres mondiales : « Si les soldats africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors de la Seconde Guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut-être aujourd’hui encore, allemande. »

Aussi a-t-il ajouté que loin d’assurer la souveraineté de l’Afrique, « la France a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye, avec des conséquences désastreuses pour la stabilité du Sahel. »