Si Macky Sall, Cyril Ramaphosa, Hakainde Hichilema et Azali Assoumani ont réussi à aller sur place malgré les conditions de sécurité et à la rencontre de leurs homologues, à Kiev, Volodymyr Zelensky a rejeté toute volonté de médiation et à Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine a salué une approche équilibrée. Alors quel bilan diplomatique tirer des visites en Ukraine puis en Russie de la délégation africaine ?
Au sein de la société civile africaine, des voix se font critiques. Le Gabonais Marc Ona Essangui, président de l’organisation Tournons la page internationale, estime que les chefs d’État qui ont mené cette mission sont trop clivants et que l’Afrique dispose d’instances qui sont les seules habilitées à mener des médiations.
« C’est un échec diplomatique. Qu’est-ce qu’on a obtenu ? Le président Zelensky a rejeté cette médiation, le président russe a parlé, comme d’habitude, dans sa langue de bois. Les éléments choisis pour cette médiation n’étaient pas appropriés. Si l’Afrique veut envoyer une médiation, je crois que nous avons des instances africaines. Vous avez la Cédéao, vous avez la Ceeac, vous avez l’Union africaine. Il fallait absolument que ce soient les voix de l’Union africaine qui y aillent. Ce sont des voix qui sont, entre parenthèses, non partisanes. Mais pas les individualités qui se sont déjà affichées comme étant des fossoyeurs de la démocratie et qui sont déjà positionnées comme étant des amis de la Russie ou de l’Ukraine, et là ça fausse tout. Je pense que l’indifférence constatée auprès du président ukrainien vient de ce constat-là que je fais. Moi, je voudrais que par rapport à ce conflit, que les positions qui vont dans le sens de l’arrêt des hostilités soient des positions claires, que ce soit du côté de l’Ukraine ou du côté de la Russie. »
Mais la chercheuse Liesl Louw, conseillère principale au sein de l’ISS International Crisis Group, n’est pas tout à fait du même avis. Cette spécialiste des questions politiques estime que cette mission n’est pas un échec, mais un premier pas. En revanche, elle souligne que les dissensions diplomatiques entre les États africains sont par contre un frein à ce type de médiation.
« Je pense que c’est un premier pas, mais on avait l’impression qu’il y avait certaines dissensions au sein de cette délégation. Les présidents Macky Sall et Azali ont parlé de premier pas, de bonne volonté, alors que le président Ramaphosa a fait des déclarations sur la désescalade des deux côtés qui a irrité Zelensky et certainement aussi Poutine. Donc, ils n’avaient pas le même discours. C’est une faiblesse. Parce que s’il y a une prochaine délégation, il faudrait mieux s’accorder : qui est le porte-parole ? Maintenant, on attend le sommet Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg fin juillet. Ça va être très intéressant de voir combien de chefs d’État seront présents et si jamais nous voyons une majorité des chefs d’État des 54 pays africains en Russie, c’est plutôt le président Poutine qui est gagnant dans cette histoire. »