L’ancien président et candidat Donald Trump a décidé de s’aventurer sur un de ses anciens terrains favoris, la polémique contre les alliés de l’Otan, une organisation qu’il avait qualifiée il y a sept ans d’« obsolète ». En affirmant qu’il ne protégerait pas contre la Russie un pays qui ne paie pas sa part des défenses militaires.
Selon le président du Conseil européen, Charles Michel, ces déclarations imprudentes ne servent que les intérêts de Vladimir Poutine mais elles ont au moins le mérite de remettre le projecteur sur la nécessité d’une défense européenne, écrit à Bruxelles, Pierre Benazet. Et Jens Stoltenberg, le secrétaire-général de l’Otan lui-même, dénonce des propos qui sapent la sécurité commune et avertit que toute agression russe «entraînera une réponse unie et énergique».
Assurer une part du fardeau
Mais en fait, Donald Trump ravive une question traditionnelle depuis des décennies de la part de tous les dirigeants américains, une demande pressante aux alliés européens d’assumer leur part du fardeau et de contribuer à leur propre défense, en particulier financièrement. Au sommet de Bruxelles de 2018 Trump avait obtenu des alliés européens qu’ils s’engagent à tenir les objectifs, soit consacrer 2% de leur produit intérieur brut aux dépenses militaires.
Malgré l’invasion russe de la Crimée leurs dépenses militaires avaient atteint l’année précédente leur niveau le plus bas, mais, depuis la situation a totalement changé. La guerre en Ukraine est passée par là: la quasi-totalité des alliés ont augmenté leurs budgets de défense de manière tangible. Parmi les plus mauvais élèves, l’Allemagne a doublé ses dépenses militaires en dix ans. Et pour la première fois, les États-Unis ont été dépassés pour leurs dépenses militaires puisque la Pologne est désormais sur la première marche du podium avec 3,9% de son PIB consacré à la défense.
Montée en puissance de l’Europe de la défense?
L’Europe de la défense a commencé à se concrétiser avec les achats et livraisons communes de munitions et la relance décidée à Vingt-Sept de la production industrielle. L’argumentaire suranné de Donald Trump sera cependant peut-être un nouveau coup d’aiguillon pour les alliés européens. Certains se souviennent de son avertissement quasi-prophétique de 2018, lorsqu’il avait accusé l’Allemagne de laisser les États-Unis la défendre et d’être captive de la Russie pour son énergie.
Sans réelles garanties américaines, les membres de l’Otan seraient-ils alors en mesure de compenser une baisse du financement américain ou un départ de celui-ci? Philip Golub, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne et expert des relations internationales américaines, annonce, en cas d’une victoire républicaine en novembre, une période plus incertaine: «Les grands pays européens, et puis les petits aussi, doivent se poser la question de savoir comment assumer leur propre destin en cas d’une présidence Trump, qui mettrait la question du financement de l’Otan et de la guerre en Ukraine en question. On est là devant une incertitude majeure à un an de l’élection présidentielle américaine et devant une Europe qui n’est pas nécessairement capable de prendre des décisions rapidement dans ce sens.»
«Effort colossal d’investissement»
«Il faudrait, déclare encore Philip Golub, un effort colossal d’investissement, de recrutement, dans les industries de défense, dans les appareils de défense, et il faudrait la construction d’une politique européenne cohérente de défense qui, pour le coup, aujourd’hui n’existe pas. En supposant que les États-Unis quittent effectivement l’Otan, l’Europe devra bien aller dans ce sens-là, mais on verra à ce moment-là aussi des fractures au sein de l’Europe, sur cette question, avec certains pays ne voulant pas justement rentrer dans un cycle de réarmement et de conflit.»