Dernière semaine de campagne présidentielle en Turquie, après le premier tour le 14 mai, dont aucun candidat n’est sorti vainqueur. Un second tour est donc prévu dimanche 28 mai. Le président sortant Recep Tayyip Erdogan part favori avec 49,5% recueillis au premier tour. Mais son rival Kemal Kiliçdaroglu espère encore le battre après avoir convaincu 45% des voix. Tandis que le camp du pouvoir semble confiant dans sa victoire, l’opposition mobilise à tout-va.
Dans une campagne d’entre-deux-tours, aucune activité politique n’est anodine. Même lorsque le maire d’Istanbul visite un café-librairie : Ekrem Imamoglu, qui deviendra vice-président si le candidat de l’opposition Kemal Kiliçdaroglu l’emporte, vient rencontrer des jeunes opportunément installés autour des tables du café. La jeunesse est un électorat-clé pour l’opposition turque et les selfies avec le maire, une bonne publicité sur les réseaux sociaux.
Ekrem Imamoglu refuse de répondre aux questions des journalistes. À côté de lui, le maire d’arrondissement Riza Akpolat, élu du même parti, est moins avare de commentaires. Et pour cause : au premier tour, son arrondissement de Besiktas a voté à 80% pour Kemal Kiliçdaroglu. Mais ce n’est pas encore assez
« Nous redirigeons nos efforts vers les électeurs qui ne sont pas allés voter, ceux auxquels nous ne nous sommes pas assez adressés et ceux qui se plaignent de nous, résume Riza Akpolat. On essaye de les convaincre dans les courts délais qui nous restent. »
Même s’il parvient à conserver ses électeurs du premier tour, Kemal Kiliçdaroglu a besoin d’environ trois millions de voix supplémentaires pour l’emporter au second tour. L’opposition espère mobiliser un à deux millions des plus de huit millions de Turcs qui ne sont pas allés voter le 14 mai.
La carte nationaliste pour séduire les électeurs de Sinan Ogan
Elle pense aussi pouvoir compter sur une partie des électeurs de Sinan Ogan, un ultranationaliste arrivé troisième au premier tour, avec 2,8 millions de voix.
Ahmet Kiraz, représentant local du CHP, le parti de Kemal Kiliçdaroglu, estime qu’à choisir, les électeurs de Sinan Ogan préfèreront l’opposition : « Ce sont des nationalistes réticents à voter au premier tour pour [Kemal] Kiliçdaroglu pour beaucoup de raisons : parce qu’il est de gauche, parce que c’est le CHP… Nous pensons que cet électorat va voter pour l’essentiel quand même pour Kiliçdaroglu, parce que c’est surtout un électorat qui refuse de voter [Recep Tayyip] Erdogan parce qu’il a négocié avec le PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan – NDLR], conclu des accords. »
Kemal Kiliçdaroglu joue à fond la carte nationaliste qu’il avait très peu agitée avant le premier tour. Son camp rappelle chaque jour que Recep Tayyip Erdogan a négocié, par le passé, avec le PKK et il promet de renvoyer chez eux les réfugiés syriens. Tout cela n’est pas pour déplaire au principal allié de Kemal Kiliçdaroglu, le parti ultranationaliste Iyi, ou « Bon parti ». Egemen Güner, l’un de ses responsables locaux, assure qu’une victoire est possible :
Le camp Erdogan confiant
Dans le camp de Recep Tayyip Erdogan, on se montre tout aussi confiant. D’autant plus confiant que le président sortant a frôlé la victoire au premier tour avec 49,5%. Arif, un militant de l’AKP, le parti du chef de l’État, pense que Tayyip Erdogan n’a pas beaucoup d’efforts à fournir pour l’emporter dimanche prochain.
D’ailleurs, remarque-t-il, il ne fait pas vraiment campagne : « On ne s’attendait pas à un tel résultat au premier tour… On ne pensait pas qu’on aurait autant d’avance. On était même allés voter inquiets, en se disant qu’on pouvait perdre. Mais les résultats du premier tour montrent qu’Erdogan a encore un réel soutien dans la société. Pour le second tour, c’est clair : c’est lui le favori, on n’a pas du tout peur qu’il perde, on est même sûr qu’il va gagner. »
Arif veut croire que l’électorat de Recep Tayyip Erdogan sera d’autant plus mobilisé dimanche que le dirigeant turc prétend que ce mandat sera son dernier.