En dehors de sa profession d’artiste musicien, le Grand Maître Franco fut un dirigeant de première heure de la célèbre équipe de football V.Club dont il en assura la présidence en 1971, et un grand propagandiste du Mouvement populaire de la révolution (MPR), parti au pouvoir, à travers différentes chansons de soutien au guide de la révolution, le président Mobutu.
En 1966, une année après l’avènement de Mobutu au pouvoir, le 25 novembre 1965, Franco lance sur le marché la chanson intitulée « Luvumbu ndoki » (qui signifie Luvumbu le sorcier) dans laquelle il stigmatise ce dernier qui terrorise sa propre famille suite aux multiples décès qu’elle connaît. Avec cette chanson, il s’attire les foudres du pouvoir car le nouveau régime de Mobutu pense tout en lui prêtant des intentions qu’il faisait allusion, de façon détournée, « aux pendus de la pentecôte » (trois prétendus putschistes qui furent pendus le jour de la fête de la pentecôte sur ordre du président Mobutu).
Pour la petite histoire, le commun des mortels se souviendra du triste mois de juin 1966 au cours duquel le régime de Mobutu soupçonna Evariste Kimba et deux de ses compagnons de fomenter un coup d’État contre le régime en place. La sentence prononcée à cet effet à leur endroit fut la pendaison en public, le dimanche, jour de la fête de la pentecôte. Malgré l’intervention du clergé catholique qui sollicita auprès des autorités congolaises l’annulation de cette cérémonie macabre. Cette requête connut une fin de non-recevoir, les trois présumés putschistes furent pendus à l’endroit appelé « Pont Gabi » où est érigé l’actuel stade des Martyrs, sous haute surveillance militaire et policière. La présence de la presse et des photographes était interdite. Pour immortaliser Evariste Kimba et ses compagnons morts pour une cause juste et considérés comme des martyrs, le président Laurent Désiré Kabila débaptisa ce stade, « stade des Martyrs », dénommé autrefois stade Kamaniola.
Par la suite, Franco s’exila un moment à Brazzaville en attendant que les menaces dont il était l’objet de la part du régime de Mobutu se dissipent. La chanson « Luvumbu ndoki » fut censurée un bon moment sur les ondes de la radio nationale contrôlée par le MPR.
Après cet incident, Luambo accorda ses violons avec le Guide et devient un militant zélé prolifique. Il compose des œuvres pour l’éloge du président fondateur tout en propageant le message du parti-Etat. Mobutu profite de l’aura et du talent de l’artiste, de sa popularité et de son parler quasi convaincant pour faire de lui le héraut du Mobutisme. Lors des grandes échéances électorales, Luambo est aux avants postes avec les titres « To landa nzéla moko » qu’il lance (en 1970) et « Candidat na biso Mobutu » en 1977, plusieurs autres titres s’en suivirent dans lesquels le Grand Maître exalte la pensée du Guide de la révolution tels « Salongo a linga mossala » (en 1970), « Cinq ans eleki » (en 1970), « Ba députés mbilinga mbilinga to boyi », « République du Zaïre voté vert », « Belela authenticité na congrès ya MPR », « Dix ans ya révolution ».
Son militantisme lui valut la reconnaissance du Guide qui le fit entrer dans le cercle fermé des dignitaires de son régime. Au Palais du peuple où fut exposé le cercueil de Luambo Franco suite à son décès, le chancelier des Ordres nationaux le décora à titre posthume à la dignité de commandeur de l’Ordre national du léopard. Luambo Franco, dirigeant sportif amoureux du ballon rond, fut toujours présent aux rencontres qui opposaient les trois grandes formations kinoises entre elles (V.Club, Imana et Bilima) mais son équipe favorite était le V.Club dont il fut un des grands donateurs. En 1958, il compose ‘’Bonne année ya bana véa’’. L’amour pour les Dauphins noirs se remarquait même sur la clôture de sa propriété de Limete qui porte les couleurs de Vita Club.
Après avoir longtemps conseillé l’équipe en qualité de sage du clan vert-noir, Franco brigua la présidence de la section football en 1971. C’est grâce à lui que l’équipe remporta sa première coupe du Congo au détriment de Renaissance (Thipépélé) de Luluabourg, aujourd’hui Kananga. En 1989, lorsque Franco tire sa révérence, ce sont des anciens joueurs de V.Club dans leur maillot qui portèrent son cercueil au Palais du peuple lors de la cérémonie officielle puis à la cathédrale Notre Dame du Congo pour la messe d’adieu.