Reportage à Medellín, en Colombie, où, pour lutter contre la propagation de maladies tropicales comme la dengue, un laboratoire élève par millions des moustiques rendus « inoffensifs » avant de les libérer dans les zones à risque. Forts de résultats très encourageants, Ivan Velez et son équipe espèrent exporter leur méthode au reste du continent.
À l’intérieur d’un bâtiment de briques rouges, des dizaines de moustiques téméraires ont échappé à la vigilance de leurs geôliers. Ils volent dans l’air chaud et humide, guettant le passage d’un visiteur en manches courtes pour piquer. « On s’y habitue, sourit Alexander Uribe. Ces moustiques sont inoffensifs. Le responsable de la production du laboratoire a raison : Medellín a beau se trouver dans une zone endémique de dengue, les moustiques de l’espèce Aedes aegypti qui naissent et grandissent au laboratoire ne transmettent pas cette fièvre potentiellement mortelle. Ni le virus Zika et le Chikungunya. Mieux encore, « l’usine » à moustiques d’Alexander Uribe produit des millions de diptères… pour combattre leurs congénères vecteurs de maladies
« Stratégie de biocontrôle »
« Nous faisons se reproduire des spécimens Aedes aegypti qui portent en eux la bactérie Wolbachia », indique le chercheur. Cette bactérie « miracle », présente chez 60 % des espèces d’insectes, a été inoculée aux moustiques pour la première fois en 2009 par des scientifiques australiens qui souhaitaient réduire l’espérance de vie des petites bêtes volantes. Le résultat fut plus surprenant : « Ils se sont rendus compte que la bactérie Wolbachia empêchait la reproduction du virus dans l’organisme du moustique, et donc sa transmission à l’être humain », relate Ivan Velez, directeur du Programme d’étude et de contrôle des maladies tropicales (Pecet) de l’université d’Antioquia.