Un tribunal spécial parrainé par les Nations unies a lancé, le 30 avril, un mandat d’arrêt international contre l’ancien président de Centrafrique, François Bozizé, pour de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par des militaires dans une prison entre 2009 et 2013.
Le mandat d’arrêt international a été émis le 27 février dernier, selon un communiqué de la Cour pénale spéciale (CPS), une juridiction hybride composée à Bangui de magistrats centrafricains et étrangers, chargée d’enquêter et de juger des crimes de guerre et contre l’humanité commis depuis 2003 en Centrafrique.
Les juges ont conclu à « l’existence d’indices graves et concordants à charge » de François Bozizé, « de nature à engager sa responsabilité pénale, en sa qualité de supérieur hiérarchique et chef militaire ».
Ces crimes présumés, commis dans la prison et le camp militaire de Bossembélé par des éléments de la garde prétorienne de Bozizé ainsi que « d’autres services de sécurité », concernent notamment des « meurtres », « disparitions forcées », « tortures », « viols » et « autres actes inhumains », selon la CPS, créée en 2015 avec le parrainage de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui réclame la « coopération de la Guinée-Bissau, par l’entremise d’Interpol » pour « arrêter » et remettre « le suspect » à la CPS en Centrafrique.
François Bozizé, 77 ans, s’était emparé du pouvoir en 2003 par un coup d’État avant d’être renversé dix ans plus tard par des rebelles. Il est aujourd’hui à la tête de la principale rébellion centrafricaine et vit en exil en Guinée-Bissau depuis mars 2023. Son renversement en 2013 par une coalition de rebelles à majorité musulmane, la Séléka, avait déclenché l’une des plus terribles guerres civiles de l’histoire de ce pays d’Afrique centrale parmi les plus pauvres du monde, avec des massacres de civils essentiellement.
Il avait organisé la création de milices dominées par les chrétiens et les animistes, les anti-balakas, pour tenter de reprendre le pouvoir et des milliers de civils ont été les principales victimes de massacres perpétrés par les deux camps. L’ONU a accusé en 2018 les ex-Séléka et anti-balakas de nombreux crimes de guerre et contre l’humanité.
Fin 2020, le président Bozizé avait pris la tête d’une nouvelle alliance rebelle, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), qui avait menacé le pouvoir du président Faustin Archange Touadéra avant que l’envoi par Moscou de centaines de paramilitaires de la société privée Wagner ne permette au pouvoir de les repousser loin de Bangui.
L’ex-président avait pris le chemin de l’exil, au Tchad voisin, avant la Guinée-Bissau en mars 2023. Il a été condamné le 22 septembre 2022 par un tribunal centrafricain aux travaux forcés à perpétuité, notamment pour « complot » et « rébellion » en tant que chef de la CPC. Différents groupes armés, rebelles ou tout simplement prédateurs, poursuivent leur guérilla aujourd’hui en Centrafrique contre l’armée et les paramilitaires russes, mais les civils sont à nouveau les principales victimes des deux camps accusés de crimes et d’exactions par l’ONU et les ONG internationales.
La République centrafricaine a connu de nombreuses guerres civiles et des régimes autoritaires depuis son indépendance de la France en 1960.