Le chef d’al-Qaïda, successeur d’Oussama ben Laden, a été tué ce week-end au cours d’une opération antiterroriste en Afghanistan, selon plusieurs médias américains. Le président Joe Biden l’a ensuite confirmé dans une allocution à la Maison Blanche.
Depuis la Maison Blanche où il est confiné pour cause de Covid, le président Joe Biden a officialisé des informations de médias américains annonçant la mort d’Ayman al-Zawihiri, numéro un d’al-Qaïda depuis onze ans. « Samedi, sur mes ordres, les États-Unis ont mené à bien une frappe aérienne sur Kaboul, en Afghanistan, qui a tué l’émir d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri », a lancé le président américain. « Justice a été rendue et ce dirigeant terroriste n’est plus », a-t-il énoncé.
L’Égyptien, longtemps bras droit d’Oussama ben Laden, était considéré comme l’un des cerveaux des attaques du 11 septembre 2001 qui avaient fait près de 3 000 morts aux États-Unis. Zawahiri avait pris la tête de l’organisation terroriste après la mort d’Oussama ben Laden en 2011. Al-Qaïda avait déjà perdu son numéro deux, Abdullah Ahmed Abdullah, tué en août 2020 dans les rues de Téhéran par des agents israéliens lors d’une mission secrète commanditée par Washington.
« L’opération a été réussie et n’a fait aucune victime civile », a précisé un haut responsable américain auprès de journalistes.
Une opération de renseignement sur plusieurs mois
Al-Zawahiri, 71 ans, a été tué par une frappe de drone menée dans la capitale afghane Kaboul par la CIA. D’après un communiqué des talibans, repris par le Washington Post, une frappe américaine a touché une maison résidentielle d’un quartier aisé de Kaboul. « Il n’y avait aucun effectif américain sur le terrain à Kaboul », a déclaré un haut responsable, ajoutant que la présence même d’Ayman al-Zawahiri dans la capitale afghane était une « violation claire » des accords conclus avec les talibans à Doha en 2020.
Selon un haut responsable américain, Washington repère en 2022 sa famille dans une maison servant de cache dans la capitale afghane – d’où l’armée américaine s’était retirée en catastrophe en août dernier face à la prise de pouvoir des talibans. Un travail de renseignement confirme, dans les mois qui suivent, la présence d’Ayman al-Zawahiri lui-même sur place. Les Américains étudient la structure de la maison, les risques pour les civils, son mode de vie : il ne sort jamais.
« Nous avons identifié Zawahiri à de nombreuses reprises, et pour de longs moments, sur son balcon, là où il a finalement été abattu », a expliqué lundi soir un haut responsable américain, tandis que Joe Biden annonçait la nouvelle depuis la Maison Blanche. Pendant la préparation, en mai et juin, seuls une poignée de responsables américains sont tenus dans la confidence.
Abattu sur son balcon à Kaboul
Le 25 juillet, le président Biden – positif au Covid-19 – rassemble ses principaux conseillers et « cherche à en savoir plus sur l’organisation des pièces derrière la porte et la fenêtre du troisième étage ». Il demande l’avis de tous, puis « autorise une frappe aérienne précise et sur-mesure », toujours selon un haut responsable américain ayant requis l’anonymat. À 6h18 dimanche matin, heure de Kaboul, il fait environ 17°C, le soleil s’est levé depuis une heure environ, le chef d’al-Quaïda est levé. « La frappe a finalement été menée […] par un aéronef sans pilote. Deux missiles Hellfire (sont tirés sur) Ayman al-Zawahiri, qui est tué », a raconté un haut responsable américain. « Il a été tué sur le balcon », sans faire de victimes collatérales.
Ayman al-Zawahri était issu d’une grande famille égyptienne. Son grand-père était le cheikh de la Grande mosquée d’al-Azhar, une des plus hautes autorités morales de l’islam sunnite, rappelle notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti. Dès son adolescence, il a rejoint la confrérie des Frères musulmans, ce qui lui a alors valu une première interpellation à l’âge de 15 ans. En 1973, juste avant d’obtenir son diplôme de chirurgie, il rejoint une organisation extrémiste issue de la confrérie, le Jihad islamique. Il est arrêté après l’assassinat du président Sadate en 1981, mais n’est condamné qu’à trois ans de prison. À sa libération, il part en Afghanistan où il fait la connaissance d’Oussama ben Laden. Dans les années 1990, le Jihad islamique, dont il est devenu le chef, commet une série d’attentats sanglants en Égypte, ce qui vaut à Zawahri d’être condamné à mort par un tribunal militaire. Plus récemment, Ayman al-Zawahri avait appelé les Égyptiens à se soulever pour renverser le régime du président Sissi.
Héritant en 2011 d’une organisation qui avait perdu de sa superbe, Ayman al-Zawahiri avait dû, pour survivre, multiplier les « franchises » et les allégeances de circonstances, de la péninsule arabique au Maghreb, de la Somalie à l’Afghanistan, en Syrie et en Irak. Fin 2020, des sources avaient, un temps, donné crédit à des rumeurs le donnant mort d’une maladie cardiaque, mais il était réapparu ensuite dans une vidéo.
Un succès symbolique
C’est un succès symbolique très important, onze ans après la mort d’Oussama ben Laden au Pakistan, mais c’est aussi un succès stratégique. Après le chaotique retrait américain d’Afghanistan en 2021, Joe Biden avait dit que son pays continuerait à lutter contre le terrorisme, même de plus loin, rapporte notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin.
« Quand j’ai mis fin à notre mission militaire en Afghanistan il y a presque un an, j’ai décidé qu’après vingt ans de guerre, les États-Unis n’avaient plus besoin de milliers de soldats sur le terrain en Afghanistan pour protéger les Américains contre les terroristes qui nous veulent du mal. Et j’ai fait la promesse au peuple américain que nous continuerions de mener des opérations antiterroristes efficaces en Afghanistan et au-delà. C’est ce que nous venons de faire », a affirmé le président américain.
Cette frappe est donc un message au peuple américain, mais aussi aux terroristes et à ceux qui les hébergent : les États-Unis ont toujours les moyens de frapper et éliminer leurs ennemis où qu’ils se trouvent, et ils ne laisseront pas l’Afghanistan redevenir un refuge pour les terroristes.
Les États-Unis avaient par ailleurs annoncé, mi-juillet, avoir tué le chef du groupe État islamique (EI) en Syrie, Maher al-Agal, lors d’une frappe de drone, opération qui avait « affaibli de façon considérable la capacité de l’EI de préparer, financer et conduire ses opérations dans la région », selon un porte-parole de l’armée américaine.
(Et avec AFP)