En Allemagne, le géant de la chimie BASF est menacé par la crise du gaz russe

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L’Allemagne est l’un des plus gros importateurs de gaz russe. L’industrie consomme 30% du gaz brûlé en Allemagne. Dans le sud-ouest de l’Allemagne, à Ludwigshafen, les turbines de BASF tournent encore à plein régime. Le géant de la chimie, au modèle économique basé sur le gaz bon marché de Sibérie, affiche une certaine sérénité malgré les menaces. 

BASF fait partie de ces entreprises particulièrement affectées par les incertitudes autour des livraisons de gaz russe. Le géant de la chimie représente 78 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 7,8 milliards d’euros de bénéfices l’an passé. Mais avec l’invasion de l’Ukraine, le bénéfice net a chuté de 30% au premier trimestre. BASF est en effet totalement dépendant des livraisons de gaz russe, comme l’explique Thierry Bros, expert en énergie, professeur à Sciences-Po Paris. « C’est une dépendance historique puisque BASF a fondé avec Gazprom une filiale en Allemagne et que c’est une filiale qui a été « win-win », c’est-à-dire qu’elle avait acheté du gaz russe par cher justement pour la chimie, puisque la chimie a besoin de beaucoup de gaz, et de l’autre côté, elle aidait Gazprom dans des technologies complexes. Et les Allemands ont une technologie basée sur des produits BASF pour essayer d’extraire ce gaz », explique-t-il.

Avec ses 10 km2, le site de Ludwigshafen, véritable ville dans la ville, a consommé l’an passé 37 TWH de gaz. C’est un site complexe. Les unités de production sont toutes reliées les unes aux autres par 2 850 km de conduits aériens. Pour simplifier, les résidus d’une unité sont la matière première de la suivante. En clair, 50% de gaz en moins obligerait à fermer l’ensemble de la production.

Le spectre de pénuries 

Pour l’instant, les livraisons se poursuivent. Mais fin mai, Sinischa Horvat, le chef du comité d’entreprise de BASF, dressait un scénario dramatique. « En cas d’arrêt des livraisons de gaz, certains types de précurseurs chimiques n’entreraient plus dans la chaîne de production, on parle de substances chimiques pour les médicaments, l’alimentaire, l’automobile, tout ça disparaîtrait. Ça veut dire que les produits finaux disparaîtraient et on parle de nombreux produits », alerte-t-il.  

Une vision de cauchemar pour l’Allemagne. Car au-delà de BASF, ce sont des pans entiers de l’industrie qui seraient menacés. En cas d’arrêt complet des livraisons de gaz russe, le PIB chuterait de 12,7%, 5,5 millions de salariés se retrouveraient sur le carreau, selon une étude que vient de publier l’institut Prognos.