Les pénuries récurrentes de produits pétroliers au Congo Brazzaville sont le résultat d’un mélange de facteurs structurels et économiques. Lesquels? Enquête.
D’une part, la SNPC, en tant qu’unique acheteur, se trouve dans une situation difficile, subissant de lourdes pertes financières. Le fait qu’elle doive compenser la production insuffisante de la CORAF en achetant des produits pétroliers à des prix plus élevés sur le marché international ne fait qu’aggraver la situation. Cela crée un cercle vicieux où les coûts d’importation ne sont pas couverts par les prix fixés par l’État, ce qui entraîne une nécessité de subventionner le secteur pétrolier.
D’autre part, dans une moindre mesure, la faible capacité de stockage de la SCLOG complique encore plus les choses. Si cette société ne peut pas stocker suffisamment de carburant pour répondre à la demande, cela conduit inévitablement à des pénuries.
En somme, tant que le gouvernement n’apporte pas des changements significatifs aux politiques de prix et aux capacités logistiques, il est probable que ces pénuries persistent. C’est une situation délicate qui nécessite une attention urgente.
En 2022, la SCLOG avait une capacité de stockage de 96 605 m³ répartie sur 8 dépôts au Congo. Cela représente une augmentation de 73,7 % par rapport aux 55 609 m³ qu’elle avait lors de sa création en 2002. D’ici 2027, elle prévoit d’augmenter sa capacité à 124 180 m³ pour mieux importer des produits pétroliers, car les capacités actuelles sont limitées.
Le FMI (Fonds Monétaire International) et la Banque Mondiale demandent des réformes dans le secteur pétrolier congolais, surtout pour améliorer la collecte de la TVA que la Snpc doit reverser au trésor public.
Selon un rapport du ministère des Finances, si les prix des produits pétroliers suivaient ceux d’importation de 2022, cela coûterait beaucoup plus cher que les prix actuels.
La SNPC évalue le déficit de valorisation des produits importés à 149,072 milliards de F CFA pour 255 424 tonnes, et celui pour les produits fournis par la CORAF à 125,676 milliards de F CFA pour 320 217 tonnes( voir tableau ci-dessous). Ces déficits, totalisant 274,748 milliards de F CFA pour l’année 2022, représentent des subventions qui bénéficient aux consommateurs locaux et à certains pays voisins où s’écoulent souvent les produits pétroliers du Congo.
Au cours de la même année, la SNPC (Société Nationale des Pétroles du Congo) et la CORAF auraient eu besoin de 637,814 milliards de F CFA, ce qui est plus que les 568 milliards de F CFA nécessaires pour acheter tout le pétrole brut et les produits pétroliers. Cela signifie qu’elles pourraient payer ces importations et taxes sans avoir besoin de grosses subventions.
Dans ce cas, l’État aurait récupéré 455 milliards de F CFA en 2022, en tenant compte des livraisons à CORAF. Si l’on ajoute la valeur des importations de cette année-là, estimée à 268 milliards de F CFA (complètement couverte par des subventions), l’État et ses entreprises pourraient économiser environ 700 milliards de F CFA.
Ce système aiderait aussi la SNPC à couvrir entièrement le coût des importations sans avoir besoin de subventions supplémentaires. Cela permettrait de réduire les subventions sur les produits pétroliers, équilibrant ainsi le secteur pétrolier et permettant à la CORAF d’améliorer sa productivité et d’élargir son offre. Le FMI recommande donc d’augmenter significativement le prix du litre des carburants à la pompe à 1100 FCFA pour le super afin de mettre fin au système actuel.
Cependant, si les prix augmentent de 45 %, cela pourrait provoquer une forte inflation. Les transports influencent aussi cette hausse des prix, et on estime que l’inflation pourrait se situer entre 7,6 % et 9,1 % dans ce cas. Si l’augmentation est de 30 %, l’inflation serait un peu moins forte, entre 6,1 % et 7,1 %. En revanche, si on aligne les prix des carburants sur ceux des importations de référence de 2022, l’inflation serait encore plus élevée.
À un an de la présidentielle, le gouvernement pourrait-il se permettre d’augmenter l’inflation qui dégraderait le niveau de vie des congolais ? C’est incertain. Par conséquent, il y a un risque accru de pénuries de produits pétroliers qui pourraient survenir à intervalles réguliers.
A. Ndongo, journaliste économique et financier