L’armée face à son procureur ( Mon parquet )

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Ci-devant, le procureur de la République, André Ngakala Oko interrogeant le chef de bataillon des Sports. Embarrassé par les questions d’essai du procureur, le colonel Dem panique dans ses réponses.

Visage fixant le sol, cherchant les mots, le colonel a dû revenir, une fois, deux fois, sur des renseignements qu’il fournissait au procureur. Ce dernier, décidé visiblement à le cuisinier, ne le quittait pas des yeux.

Mais, ce n’était pas encore le procès, pas même l’enquête proprement dite. Le procureur de la République, lui-même colonel, ne faisait que son show… Comme il sait le faire à son parquet. La corruption ! C’est le péché mignon de notre armée. Ça bouffe partout, même chez les plus démunis, ça bequette et ça picore.

Selon les sources policières concordantes et bien informées, la bousculade au stade Michel d’Ornano a lieu lorsque les éléments militaires commis à la garde des lieux ont commencé à prendre de l’argent auprès des jeunes venus pour le recrutement.

Tia nga ya 100, tiela nga mpe ya 200, pour accéder nuitamment au stade où le lendemain devraient se poursuivre les opérations de recrutement. Les jeunes qui n’avaient pas l’argent, ceux qui étaient très loin du portail, ont commencé à faire pression. Et la suite, on la connait.

Dans ce stade, les gens y dorment toujours, moyennant quelques billets de banque, quand le gouvernement organise une opération en faveur des populations.

Un officier de la police m’a révélé que, lors des opérations militaires d’hôpital de campagne où on traite les malades gratuitement, les populations payent pour y passer la nuit et être reçues les premières. Tu n’as pas l’argent, tu moisira dans les rangs, jusqu’à la fin de la campagne.

C’est une habitude connue, me confirme un autre officier supérieur. C’est de la corruption. Et les éléments des forces armées ne s’en détournent pas, tout le monde le sait.

Il y a quelques années, un colonel, désormais à la retraite, me révélait que si on envoie des éléments pour assurer la sécurité sur le terrain sans perdiem, même si l’opération ne dure que quelques heures, les populations vont faire les frais. « Les gars vont gratter ».

Espérons que le procès à venir sur le drame D’Ornano donnera l’occasion au procureur de la République et au juge, ainsi qu’aux avocats d’ouvrir cette boîte de Pandore qui a déjà trop fait des victimes au Congo.

Les policiers et les gendarmes ne s’en cachent plus. Dans la circulation, à chaque coup de sifflet, motos et voitures passent dans la nasse. En règle ou pas, il faut glisser un billet de banque.

Quand ils sont au convoyage des trains, même marchandises, ils ne s’empêchent pas de transporter, grâce à la corruption, des Passagers clandestins.

J’ai vu dans nos aéroports internationaux, nos officiers de police s’aplatir devant les passagers ouest africains ou libanais voire chinois, les aidant à remplir la fiche d’embarquement, à transporter leurs cartables jusque dans la salle d’attente, juste pour forcer un pourboire à la fin. « Wana pire moto na ngayi », jubilent-ils, en dégageant violemment les Congolais, alignés à attendre leur tour pour passer les formalités.

Les militaires qui sont pourtant rares sur le terrain de maintien de l’ordre, ne crachent pas non plus dans la soupe lorsque l’occasion se présente.

La construction de mauvaises casernes, de mauvais commissariats, la commande des uniformes de l’armée, tout cela n’échappe pas à la corruption. Mais, les forces de sécurité et de défense elles échappent à tout contrôle indépendant en matière de corruption.

Dire que la Haute autorité de lutte anticorruption passe les militaires à la caserne D’Ornano pour aller sensibiliser les élèves au lycée Nganga Édouard !

© Arsène SÉVERIN