Aux Grands Hommes, la reconnaissance de la nation : Sony Labou Tansi, le « Rabelais africain »

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1993

Célébrer les grandes personnalités qui ont marqué et qui marquent par leurs empreintes leur époque ainsi que sublimer la nation de par leurs œuvres, est l’essence de la rubrique : Aux grands Hommes, la reconnaissance de la nation. Pour ce numéro, le choix est porté sur l’énigmatique écrivain congolais de renom Sony Labou Tansi mort le 14 juin 1995, à l’âge de 48 ans. Pour avoir marqué son époque et continuant de parcourir le temps, son souvenir reste encore immuable dans le cercle culturel congolais, et même au-delà des frontières.

Enseignant, romancier, dramaturge, poète, et ancien député de la République, Sony Labou Tansi de son nom à l’état civil Marcel Ntsony, est né le 5 juin 1947 à Kiwanza (Congo- Belge). Il a commencé à écrire dès l’âge de 14 ans. D’ailleurs, plusieurs de ses œuvres ont considérablement été mises en lumières après sa mort, à savoir : La Vie et demie et Le Commencement des douleurs. 

Marié à Pierrette Kinkela (une infirmière de formation) avec qui il a eu trois filles, Labou fut un homme à la fois adulé et controversé, son écriture et ses œuvres continuent de marquer l’histoire de la littérature congolaise et africaine.

Romancier, dramaturge et poète

À la publication de son premier roman, en France en 1979, il choisit pour pseudonyme Sony Labou Tansi, en hommage à Tchicaya U Tam’si. Satire féroce de la politique fondée sur la torture, le meurtre et le culte de la personnalité, dénonciation de la dictature, La Vie et demie se déroule dans un pays imaginaire, la Katamalanasie.

Ce roman est salué par la critique internationale, notamment française, au point qu’il fait figure d’œuvre majeure pour toute l’Afrique, selon les propos de l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou : « S’il y a trois romans qui reviennent sans cesse comme importants dans la littérature d’Afrique noire, ce sont ceux de Yambo Ouologuem (Le Devoir de violence), d’Ahmadou Kourouma (Les Soleils des indépendances) et de Sony Labou Tansi (La Vie et demie). Au sujet de ce dernier, la critique française fut laudative. On parla d’une écriture rabelaisienne. On fit le parallèle avec l’univers latino-américain, en particulier celui de Gabriel García Marquez. »

Fortement soutenu par le festival des francophonies en Limousin, ses pièces de théâtre sont jouées en France, en Allemagne, en Italie et aux États-Unis. Il a dirigé la troupe du Rocado Zulu Théâtre à Brazzaville.

Ses œuvres

La reconnaissance internationale vient en 1973, lorsqu’il reçoit pour la première fois le premier prix du Concours de théâtre interafricain organisé par RFI (pour Je soussigné cardiaque), performance qu’il réitérera à trois reprises (notamment La Parenthèse de sang en 1975). Six ans plus tard, il est primé au festival de la Francophonie de Nice, avant de recevoir en 1983 le Grand prix de l’Afrique noire, puis, en 1988, le prix Ibsen.

Cependant, dix ans après sa mort, il n’y avait pas énormément de choses sur Sony. Et puis, peu à peu, sa notoriété s’est élargie au-delà du public habituel de la littérature africaine. Aujourd’hui, considéré comme un grand écrivain qui dépasse de loin les frontières du Congo et de l’Afrique, ce qui correspond à sa volonté de s’adresser au monde entier.

Depuis 2003, le prix Sony Labou Tansi est décerné à des pièces de théâtre francophone.

Le nom de Sony Labou Tansi est désormais associé à un prix littéraire original dédié au théâtre francophone, organisé par le rectorat et les Francophonies de Limoges, dans le cadre d’un travail pédagogique auprès des lycéens de l’académie.

La majorité de ses manuscrits sont aujourd’hui déposés à la bibliothèque francophone multimédia de Limoges et sont disponibles en consultation en Œuvre. Le festival des Francophonies en Limousin, qui a fait connaître en France l’œuvre dramatique de Sony Labou Tansi à partir de 1985, propose des lectures quotidiennes de ces inédits, dont La Rue des mouches.

Par ailleurs, il a en effleuré le monde politique en tant que représentant du peuple au Parlement. Un poste auquel il était quasiment absent ; car ne supportant pas l’hypocrisie de cet univers.  Sony Labou Tansi fait son entrée au MCDDI avant la conférence nationale souveraine de 1991. C’est d’ailleurs, grâce à ce parti dont il était un des membres, qu’il sera élu député de Makélékélé aux élections législatives anticipées de 1993.

Une grande part de son œuvre est une réflexion sur le pouvoir post-colonial qui consiste à « dénoncer la bêtise et ses conséquences souvent cruelles partout où elle sévit, exalter la condition humaine », à travers « des farces ubuesques » qui narguent « les tyrans dérisoires, dont les modèles sont parfois très proches de lui ». Mais sa foi en l’homme reste inébranlable : « Si je gueule, si je rage, c’est parce que j’ai plein d’espoir à communiquer. » disait-il.