La mobilité est une condition préalable au développement. Dans une large mesure, de même qu’une économie dynamique dépend du mouvement des produits et des services, les populations sont tributaires des routes pour l’accès à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé. Les routes constituent un bien collectif, qu’il faut traiter comme tel. Leurs effets sont transnationaux. Les pouvoirs publics doivent s’attacher à partager ce bien collectif au profit du développement et de la lutte contre la pauvreté, ainsi que pour le bénéfice de tous. Quelle est le délai de garantie d’une route nouvellement façonnée ? Quelle en est la durée de vie, avant que ne soient réalisés sur celle-ci, des travaux d’envergure, aux fins de la pérenniser ? La construction des routes congolaises obéit-elle à des études géologiques, environnementales et climatiques conséquentes ? Les entreprises intervenant dans la construction des routes au Congo, sont-elles à la hauteur des missions qui leurs sont confiées ? Qui doit rendre des comptes en cas de malfaçons avérées ? Autant de questions et bien d’autres encore, alimentent les conversations des congolais, après la dégradation de la route « flambant-neuve », Ketta-Sembé (nord). Dire qu’une fois de plus, l’État congolais est placé devant un fait accompli de tromperie, sur la qualité d’un ouvrage sur lequel reposaient de grands espoirs et réalisé à coût de milliards de FCFA.
Les routes congolaises sont-elles réalisées selon les règles de l’art, au point d’en garantir une longévité qui ne tiendrait qu’à un entretien d’usage et moins onéreux ? L’assertion est bien difficile à soutenir, tant la dégradation de nombreux ouvrages réalisées à grands frais, intervient avant même que ne soit terminé le remboursement des emprunts ayant servi à leur réalisation.
La désagrégation de la couche de roulement sur près de 13 kilomètres sur la route Ketta-Sembé renvoie aux non initiés en matière de ponts et chaussées, l’image d’un travail à la limite bâclée, si ce n’est qu’il a été réalisé en totale méconnaissance du milieu géographique ou pluviométrique, pour en accommoder les caractéristiques techniques à la route ainsi construite.
Lorsque, il y a quatre ans, le président Denis Sassou N’Guesso lançait la construction de cette route, il était loin de s’imaginer que celle-ci ne tiendrait que le temps de la fête de sa mise en service. Désormais, tous les discours vantant la qualité d’un ouvrage réalisé selon »les techniques appropriées », sont démentis par une réalité qui s’impose là, toute nue, révélant la surenchère à travers une lamelle de bitume posée à même de la terre argileuse compactée et qui s’est décapée pour peu que la pluviométrie de la région a retrouvé ses volumes initiaux et quasiment normaux. QUELLE INCURIE ?
Tout le monde sait que la certification des ouvrages et leur agrément, ainsi que la validation des ouvrages réalisés, jusqu’à leur réception provisoire, avant la réception définitive, obéit à un protocole drastique, conduit tout au long de la réalisation dudit ouvrage.
C’est donc dire que les problèmes de pluviométrie, d’instabilité des sols voire même l’impact du rayonnement solaire sur l’asphalte ont été étudiés, pour aboutir à une expertise ayant produit l’ouvrage ainsi réalisé.
Dans le cas d’espèce, l’entreprise chinoise, Sino-hydro Tianjin Engineering Corporation Ltd et les différents services ayant certifié l’ouvrage réalisé, doivent rendre des comptes et à défaut d’une commission d’enquête au parlement sur la question, le procureur de la République devrait en toute logique ouvrir une information aux fins de faire la lumière sur ce qui apparait fort bien comme un abus de confiance dans la réalisation d’un ouvrage d’art.
« Ouvrage d’art », cette expression a de quoi être revue à minima, au regard de nombre d’ouvrages réalisés au Congo et qui sont sujet à caution.
Les réalisations laissent même planer le doute sur leur coût réel ou sur l’impartialité dans l’octroi des marchés aux entreprises adjudicataires qui en dépit de leurs contre-performances sur des réalisations antérieures, concourent encore et gagnent d’autres marchés, plus imposants que les précédents, hélas bâclés sinon ratés.
En parlant de la dette congolaise, une grande partie de celle-ci a été contractée pour la réalisation des infrastructures de base, au nombre desquelles, les routes. Mais, que vaut le remboursement d’une dette, si l’objet du remboursement n’existe plus, ou que l’on doit à nouveau s’endetter, pour consolider ce pourquoi on s’est déjà endetté ?
Si sous d’autres cieux, il existe un dépôt de garantie qui correspond à un pourcentage prélevé sur le montant global de l’ouvrage réalisé et libérable après un certain délai d’approbation certifié par des études conséquentes sur l’ouvrage, cette pratique semble absente au Congo où l’Etat se voit obligé d’investir à nouveaux. Peut-être, le moment est-il venu pour certains, de rendre véritablement des comptes…