Paris: démantèlement d’un réseau vendant aux migrants des pièces d’identité et fiches de paie

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En déboursant en moyenne la somme de 15.000 euros (payable en espèces uniquement), les clients du réseau, tous présents dans l’Hexagone en situation irrégulière, obtenaient le “kit” parfait pour accéder au droit de séjourner en France, en toute illégalité. Passeports, cartes d’identités, permis de conduire, fiches de paie, avis d’imposition, ordonnances médicales, contrats de travail… “Tout y passait”, commente un connaisseur du dossier. “Les faux documents étaient parfois plus vrais que nature, un degré de sophistication rarement vu jusqu’alors en France.”

Nombre de ces documents étaient falsifiés par des complices dans une officine basée en Turquie. Une fois terminés, ils étaient renvoyés en région parisienne par simples colis postaux, souvent déposés en “points relais”, ou ramenés en avion avec la discrète complicité de “mules”.

Mais les suspects – qui se donnaient entre eux les noms de code “le directeur”, “la dame” ou encore “Kevin” pour brouiller les pistes – ne se sont pas arrêtés là. Ils avaient mis au point “une combine particulièrement ingénieuse”, comme le raconte un responsable de la préfecture de police de Paris, encore interloqué par le mode opératoire inventé par l’équipe. Les faux titres d’identité étaient ainsi faits sous des identités de nombreuses nations européennes : Tchéquie, Slovénie, Lituanie, Croatie, Italie, Pologne… Autant de pays dont les documents officiels sont plus faciles à reproduire, car moins sécurisés que ceux fabriqués par exemple par les autorités françaises. “Ces pays d’Europe de l’Est attirent également moins l’attention de l’État”, décrypte un magistrat. “Face à l’afflux de migrants, les préfectures peuvent mettre en place des processus plus contraignants avec les ressortissants africains ou du Moyen-Orient.”

Pierres angulaires du système, des agents présumés corrompus entraient alors en scène. Deux hommes affectés à la préfecture d’Argenteuil (Val-d’Oise) puis à Bobigny (Seine-Saint-Denis) ainsi qu’à Nanterre (Hauts-de-Seine) jouaient un rôle clef pour faire valider informatiquement ces faux documents, en toute connaissance de cause d’après l’enquête. Considérés comme un maillon central du système, ces deux suspects n’avaient jusqu’alors jamais attiré l’attention de leurs supérieurs hiérarchiques.

Ce trafic, dont le “service de recrutement” se situait dans des bars à chicha franciliens, permettait ainsi à de très nombreux clandestins de se faire passer pour des ressortissants de l’Union européenne. En prouvant frauduleusement qu’ils avaient travaillé ces dernières années sur le sol français, ils pouvaient alors obtenir de la part de l’État un précieux sésame, bien authentique celui-là : une carte de séjour de citoyen européen ou suisse. Le document si convoité fait office de titre de séjour pendant cinq ans, et offre les mêmes droits qu’une pure et simple naturalisation. Il est renouvelable automatiquement, pour cinq années supplémentaires. 

Une quarantaine de clients ont été identifiés au fil des investigations. Mais le nombre final se chiffre sans doute en centaines, le trafic ayant opéré depuis environ deux ans au moins et sans répit.