La “révolution des casseroles” fait au moins deux morts au Gabon

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Deux personnes sont mortes au Gabon après que des manifestants ont investi les rues de plusieurs villes du pays pour protester contre les restrictions de mouvement imposées par le gouvernement dans le but de freiner la propagation du coronavirus, a annoncé vendredi le chef de la police nationale.

« Dans des circonstances non encore élucidées, deux personnes à Libreville ont subi des blessures par balles et en ont succombé », a dit le général de brigade Serge Hervé Ngoma, lors d’une déclaration pré-enregistrée qui a été diffusée sur Facebook.

Le commandant en chef de la police a ajouté qu’une enquête a été ouverte, tout en rejetant les accusations selon lesquelles l’une de ses unités, la Brigade Anti Criminalité, est régulièrement coupable d’actes de torture. Il a ajouté que la police a intenté un procès contre des personnes non identifiées qui, selon lui, dénigrent le chef de la police.

« Répression aveugle et sanglante »

Mais les activistes racontent une toute autre histoire.

George Mpaga, président d’une coalition d’organisations de la société civile gabonaise, a déclaré à VOA Afrique dans une interview que le nombre réel des victimes pourrait s’élever à quatre personnes. « Nous ne connaissons pas le nombre exact pour l’instant », a-t-il déclaré.

Dénonçant une « répression aveugle et sanglante », l’ancien ministre Alexandre Barro Chambrier, désormais opposant, a demandé « que toute la lumière soit faite sur les circonstances qui ont entraîné la mort de ces jeunes compatriotes afin que les coupables soient identifiés et traduits en justice », via son compte Facebook.

Selon Orca Boudiandza Mouele, directeur de publication du journal La Cigale Enchantée, la manifestation consiste à exhorter les gens à sortir la nuit pour faire du bruit en tapant sur des casseroles.

« Ça a commencé timidement mais dans la nuit de jeudi à vendredi, le mouvement a pris de l’ampleur », a déclaré le journaliste.

Certaines personnes ont quitté leur maison pour frapper des ustensiles dans la rue et d’autres ont érigé des barricades, a-t-il ajouté.

« Impossible » de trouver un moyen de transport

Les manifestants reprochent aux autorités une gestion hasardeuse, opaque et arbitraire de la pandémie, s’accordent à dire les activistes. Plus précisément, ils dénoncent l’imposition d’un couvre-feu à partir de 18 heures, la fermeture obligatoire des magasins vers le milieu de l’après-midi et l’obligation que certains employés produisent chaque semaine un test covid négatif, pour lequel ils doivent payer de leur propre poche.

« C’est très difficile, il m’arrive souvent de dormir au boulot parce qu’à 16h c’est quasiment impossible de trouver un moyen de transport. Et si je ne peux pas rentrer à la maison à l’heure, je vais payer une amende », a déclaré un résident de la capitale, Libreville, à VOA Afrique via l’application de messagerie WhatsApp.

En plus des restrictions elles-mêmes, les manifestants s’insurgent aussi contre la manière dont elles ont été adoptées, selon Georges Mpaga. « Il n’y a pas eu de consultation », explique-t-il. « Les résultats sont nuls ».

« Nous ne savons pas qui gouverne »

Décriant la mauvaise gestion de la pandémie par le gouvernement, vendredi, Le Mbandja, un bi-hebdomadaire indépendant autoproclamé, a titré en première page : « Les commerçants de la Covid-19 », avec des photos de hauts fonctionnaires du gouvernement, dont la Première ministre Rose Christiane Ossouka Raponda.

Même le quotidien gouvernemental, L’Union, a mis en garde contre les « conséquences dramatiques pour l’économie nationale » si les mesures actuelles de lutte contre le coronavirus n’étaient pas modifiées.

« L’avenir du mouvement de protestation dépend de la réponse des autorités », avertit Georges Mpaga. « Depuis 2018, suite à l’accident cardio-vasculaire du président Ali Bongo Ondimba, il y a un affaiblissement des institutions de l’État. Nous ne savons pas qui gouverne le Gabon; il y a un vide ambient », ajoute-t-il.

A ce jour, le Gabon compte plus de 13 000 cas confirmés de coronavirus et 75 décès, selon l’université Johns Hopkins, qui suit les données des pays du monde entier.