Justice : les magistrats appelés à une prise de conscience collective

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Le Premier président de la Cour suprême, Henri Bouka, et le procureur général, Gilbert Mouyabi, ont appelé le 21 janvier les magistrats relevant du ressort de la Cour d’appel de Brazzaville à une prise de conscience collective afin de redorer le blason terni de la justice congolaise.

« Je ne peux m’empêcher de relever certaines pratiques contraires à l’éthique et susceptibles d’entamer la crédibilité de nos cours et tribunaux. Nul ne peut tolérer ces atteintes nocives qui affectent notre système judiciaire et asphyxient la noblesse du droit et l’impartialité de la justice dans notre pays », dénonçait le président de la République, Denis Sassou N’Guesso, lors de son message sur l’état de la nation devant le Parlement réuni en congrès, le 28 décembre 2021. Pour relayer ce message du président du Conseil supérieur de la magistrature, le Premier président de la Cour suprême a réuni les magistrats du ressort de la Cour d’appel de Brazzaville, en présence des greffiers et avocats.

S’exprimant en premier lieu, le procureur général près la Cour suprême, Gilbert Mouyabi, a rappelé que la gouvernance sociale et solidaire est l’un des axes de la politique du gouvernement. Ainsi, pour combattre les antivaleurs tels que le gain facile et déshonorant du trafic d’influence, la corruption, la concussion et bien d’autres dérives dégradantes qui défient le professionnalisme des juges, le Congo dispose du Conseil supérieur de la magistrature qui organise et gère la carrière des magistrats.

« Cette interpellation faite devant le Parlement réuni en congrès renseigne sur l’importance et la gravité des charges retenues contre nous. Gageons, chers collègues, à la lecture de ce message que l’heure est grave, que les acteurs judiciaires, principalement les magistrats que nous sommes sont sur la sellette. L’interpellation du président du Conseil supérieur de la magistrature ne peut donc nous laisser indifférents. Elle nous met en face de nos responsabilités, en face de nos comportements peu respectueux des règles de procédures, en face de notre éthique peu recommandable », a rappelé le procureur général.

Insistant sur l’éthique et le respect des rapports institutionnels entre magistrats et les auxiliaires de justice, Gilbert Mouyabi a souligné la nécessité de s’engager sans atermoiements à endiguer ces attaques nocives qui affectent le système judiciaire et asphyxient la noblesse du droit ainsi que l’impartialité de la justice au Congo.

Le Premier président de la Cour suprême a, de son côté, rappelé que les antivaleurs décriés par le chef de l’Etat sont non seulement avérés, mais perdurent aussi malgré les rappels à l’ordre et les réprimandes souvent prononcées. « En commission de discipline, nous avons fait comparaître des magistrats ; ces magistrats ne seraient-ils que les lampistes égarés pendant que les gros poissons se cachaient et se cachent toujours ? Je suis convaincu que notre devoir de probité, sans l’observation duquel nous serions tous inaptes à exercer le noble métier de magistrat, a été écorché par certains en notre sein », a déclaré Henri Bouka.

Sévir au sein de la commission de discipline

Il a indiqué que quand la justice est interpellée, ce sont d’abord les juges d’instruction, présidents des formations de jugement, présidents des juridictions, chefs des parquets et leurs adjoints qui sont en premier lieu concernés avant tous les autres magistrats. « Au regard du tableau peint, quant aux maux qui écument les cours et tribunaux, nous sommes aujourd’hui en présence d’une mer totalement agitée et déchaînée qui menace de faire couler l’embarcation justice que nous avons pourtant le devoir de conduire à bon port », a-t-il souligné.

Selon lui, un vrai juge est un homme d’honneur, pas seulement en paroles mais aussi par son comportement de tous les jours et de tous les instants. Ainsi, pour éradiquer au sein des cours et tribunaux le fléau des atteintes à la probité, lutter contre la paresse, l’absentéisme, la désinvolture, l’insubordination qui en sont devenues légion, Henri Bouka entend « courageusement sévir au sein de la commission de discipline et de la grande commission », poursuivant : «Nous agirons de manière courageuse sur les hommes pour encourager la loyauté et tuer l’infamie ; nous encouragerons par divers mécanismes l’acharnement au travail ». Le premier président de la Cour suprême a précisé que la discipline frappera à la fois le magistrat débutant et le magistrat le plus haut gradé.   

Interpellant les auxiliaires, notamment les greffiers et les avocats présents à cette rencontre, il les a appelés au sens de responsabilité afin de sauver la maison justice. « Je vous invite à y apporter un peu du vôtre pour que l’infamie quitte les palais et que chacun, avocat, huissier de justice, greffier et magistrat, soit fier d’être serviteur de la loi, afin que soit bâti, pierre sur pierre, avec passion et abnégation, l’Etat de droit, tel que le veut le souverain primaire qui, à l’article 1er de notre Constitution, déclare que le Congo est un Etat de droit », a conclu Henri Bouka.