Congo-Brazzaville : de l’odeur de soufre des titres publics à la faillite de l’État

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En république du Congo, les signaux économiques, budgétaires et institutionnels révèlent un État au bord de l’asphyxie. Sous la double contrainte d’une dette publique devenue refuge systématique et de recettes fiscales en chute, l’État a suspendu des missions officielles pour ses agents, sauf pour le Président de la République et les négociateurs. Les marchés des titres publics, censés offrir des financements transparents, se muent en zones opaques de commissions gonflées, rappelant le spectre de l’affaire Dongou Zidane (D.Z). À cela s’ajoute une gouvernance désavouée qui entraîne le Congo vers une dépendance ruineuse, minant toute crédibilité future.

Le Congo avance au bord du précipice financier avec, un ministre des Finances perçu comme gestionnaire technique et un Premier ministre de plus en plus contesté même si la géopolitique au Pct à fait de lui n°2 de la mascarade présidentielle de M.Sassou. L’État congolais est incapable de soutenir ses dépenses courantes par ses recettes propres. Il s’en remet à une mécanique devenue réflexe : multiplier les émissions sur le marché des titres publics, afin de financer aussi bien les besoins de trésorerie que les rares investissements structurants. En 2024, près de 300 milliards FCFA ont été levés par l’émission de bons du Trésor assimilables (BTA) et d’obligations du Trésor assimilables (OTA), confirmant une dépendance structurelle à l’endettement intérieur et sous-régional.

Cette fuite en avant s’inscrit dans un dispositif communautaire sous l’égide de la BEAC, dont le marché des adjudications de titres publics (MATP) offre le cadre technique et réglementaire. Officiellement, ce marché est conçu pour garantir la transparence et la compétitivité des placements obligataires. Pour renforcer encore ce pilotage, Christian Yoka a pris l’arrêté n°1493 du 5 juin 2025, créant un Cadre Permanent de Concertation entre le ministère des Finances et les spécialistes en valeurs du trésor (SVT).

Ledit arrêté consacre un dialogue de façade censé coordonner les interventions de l’État et développer un marché optimal des valeurs du Trésor. Il fixe même une composition élaborée : directeur général du Trésor en président, directeurs techniques en secrétaires-rapporteurs, représentants de la BEAC, et divers hauts cadres. Malgré ce formalisme technocratique, les finances congolaises n’en finissent plus de s’enliser.

Les vieilles combines sous un vernis juridique persistent

L’affaire D.Z. illustre la culture de la surfacturation et des détournements sous couvert des procédures légales. Hier, ce furent des projets d’infrastructures budgétisés à coups de milliards FCFA qui se sont évaporés. Aujourd’hui, la mécanique s’est déplacée vers les marchés obligataires. Les émissions actuelles du Congo supportent des commissions et frais d’intermédiation qui dépassent les normes de la CEMAC [ 0,25 % – 0,5 % ]. Dans des récentes opérations, les commissions ont oscillé entre 1 % et 2,5 %, sans la moindre publication détaillée ni audit indépendant.
En juin 2025, lors d’une émission obligataire de 50 milliards FCFA, ce sont ainsi 1,2 milliard FCFA qui ont été prélevés au titre de «frais d’émission», soit 2,4%, un taux exorbitant au regard des standards régionaux. L’arrêté 1493, tout en instituant des réunions trimestrielles et un suivi des émissions, n’impose aucune obligation stricte de transparence ni publication des barèmes appliqués, laissant libre cours à une mafia. Les concertations prévues à l’article 7 se réduisent à des échanges techniques sans contrôle sur la formation réelle des commissions ni vérification de leur conformité aux pratiques de la CEMAC.

Ainsi, la mafia D.Z se perpétue : des textes soigneusement rédigés, des organigrammes rassurants, mais au final un système qui laisse prospérer les circuits discrets et les arrangements entre intermédiaires financiers et décideurs publics, sur fond de soupçons de rétrocommissions.

Gouvernance disqualifiée et effondrement des recettes

Le tableau serait déjà alarmant si l’on n’y ajoutait pas l’effondrement simultané des recettes pétrolières et douanières, qui prive l’État des marges de manœuvre. Les prévisions pour 2025 font état d’une baisse de production de près de 10%, couplée à une volatilité des cours qui compromet la stabilité des royalties et des taxes sectorielles. Avec plus de 70 % des recettes budgétaires encore tirées du pétrole, le choc est majeur.

Parallèlement, les recettes douanières stagnent ou décroissent, victimes d’une contraction des importations d’équipements (signe du ralentissement de l’investissement domestique) et de l’extension des pratiques de sous-déclaration. Conséquences, chaque point supplémentaire prélevé sous forme de commission injustifiée sur les émissions obligataires vient aggraver la spirale de la dette. Entre avril et juin 2025, la dette publique s’est ainsi accrue de 400 milliards FCFA, et un mur de remboursement de 300 milliards FCFA attend le Congo dès octobre, menaçant la trésorerie nationale. Alors que, le gouvernement donne l’image d’un exécutif en faillite intellectuelle et morale. ACM, qui parle des réformes n’arrive pas à renforcer les dispositifs anticorruption au point de ternir son image.

Sa grande vadrouille au Sénégal, Dubaï et multiples aller et retour entre Pointe Noire et Brazzaville en jet et son nez qu’il fourre çà et là, interroge plus d’une personne (nous y reviendrons). Quant à son petit Christian Yoka, véritable cheville ouvrière des dispositifs actuels d’endettement, son profil purement axé sur le management de projets multilatéraux (plus proche des logiques de l’Agence Française de Développement que des exigences pointues de macroéconomie et de marchés financiers), apparaît décalé. La complexité actuelle – arbitrages budgétaires sous contrainte, gestion active de la courbe des taux, redéploiements sectoriels urgents – exige des compétences qu’il ne maîtrise pas. (A suivre)

Ghys Fortuné DOMBE BEMBA