Canada: le pape reconnaît un «génocide» dans le drame des pensionnats pour autochtones

0
1324

Le pape François a reconnu que le drame des pensionnats pour autochtones au Canada s’assimilait à un « génocide », au retour d’un voyage de six jours lors duquel il a demandé « pardon » à de nombreuses reprises aux populations amérindiennes. Le souverain pontife a terminé sa tournée en prenant part à une cérémonie publique à Iqualuit, une ville inuite située dans le Grand Nord. 

« Je n’ai pas prononcé le mot [durant le voyage] parce que cela ne m’est pas venu à l’esprit, mais j’ai décrit le génocide. Et j’ai présenté mes excuses, demandé pardon pour ce processus qui est un génocide », a déclaré le pape lors d’une conférence de presse dans l’avion le ramenant à Rome. « Enlever les enfants, changer la culture, changer la mentalité, changer les traditions, changer une race, disons le comme ça, toute une culture », a ajouté le souverain pontife en référence aux pensionnats pour enfants autochtones mis en place au Canada entre la fin du XIXe siècle et les années 1990.

Le pape s’excuse devant les Inuits

Il n’avait pas encore prononcé ces termes mais à plusieurs reprises, le pape François a répété ces formulations : « Je demande pardon, je suis désolé », lors de ses interventions publiques, que ce soit en espagnol, en anglais, ou même en inuktituk, la langue des Inuits, rapporte notre correspondante à Montréal, Pascale Guéricolas.

Pour la dernière étape de son voyage, le souverain pontife de 85 ans, s’est rendu à Iqaluit, capitale du Nunavut dans le Grand Nord canadien, où il a été accueilli au son de chants de gorge inuits, au milieu des maisons colorées. Dans cette petite ville accessible uniquement en avion et où vivent un peu plus de 7 000 personnes, principalement des autochtones, le pape a évoqué les « grandes souffrances » de ceux placés de force dans des pensionnats visant à « tuer l’indien dans le cœur de l’enfant ».

Pèlerinage de pénitence

Le souverain pontife a aussi rappelé qu’il accomplissait un pèlerinage de pénitence en pensant aux enfants abusés dans les pensionnats religieux pour autochtones. Des abus infligés pas seulement par quelques catholiques selon lui.

Si certains survivants des pensionnats considèrent que la venue du pape au Canada va leur permettre d’entreprendre un processus de guérison, d’autres s’attendaient à davantage. Ils auraient voulu que François reconnaisse la responsabilité de l’institution dans les sévices subis par plusieurs générations d’enfants.

À plusieurs reprises, des manifestants ont aussi demandé la révocation de la doctrine de la découverte. Cette bulle papale, datant du XVe siècle, autorise les colonisateurs à s’approprier les territoires s’ils mènent une œuvre missionnaire. 

« Les excuses du pape n’étaient pas complètes »

De nombreux autochtones rappellent qu’il reste beaucoup de chemin à faire et que cela ne représente que la première étape d’un long processus de guérison. À Iqaluit, ils étaient nombreux à attendre aussi des réponses précises du pape au sujet du père Johannes Rivoire, devenu pour beaucoup un symbole de l’impunité des agresseurs sexuels protégés par l’Église. Un cas que le pape n’a pas évoqué dans son discours.

Ce prêtre français, qui a passé trois décennies dans le Grand Nord canadien, fait l’objet d’un mandat d’arrêt, mais il n’a pour l’instant jamais été inquiété. Il a quitté le Canada depuis 1993 et vit en France, à Lyon. Pour Kilikvak Kabloona, présidente de l’organisation Nunavut Tunngavik qui représente les Inuits du Nunavut, « les excuses du pape n’étaient pas complètes ».

« Elles n’ont pas pris en compte les abus sexuels et n’ont pas reconnu le rôle institutionnel de l’Église catholique dans la protection des agresseurs, cette protection permet à la violence sexuelle de prospérer », estime-t-elle. « Nous aimerions que Rivoire soit extradé au Canada pour faire face à ses accusations devant les tribunaux et nous avons demandé au pape d’intervenir pour lui demander de revenir au Canada », ajoute-t-elle encore. Une délégation inuite a d’ailleurs prévu de se rendre en France en septembre.

(Avec AFP)