Bien capitalisés, agiles et prêts à prendre des risques dans un contexte de grands bouleversements géopolitiques, la plupart des négociants de matières premières ont su profiter de la volatilité des cours en achetant au plus bas et en vendant au plus haut.
Les marges brutes cumulées des différents acteurs de l’industrie du négoce des matières premières ont atteint un montant record de 115 milliards de dollars en 2022 grâce à la grande volatilité des prix consécutive à la guerre en Ukraine, a révélé le cabinet de conseil Oliver Wyman dans un rapport publié le 4 mars.
Définies comme étant les revenus nets des ventes moins le coût des marchandises vendues, les marges brutes des divers acteurs du secteur (négociants indépendants, banques, hedge funds, compagnies minières et pétrolières ayant des branches de négoce, etc.) ont ainsi enregistré une hausse d’environ 60% par rapport à 2021 (72 milliards de dollars). Elles ont plus que triplé par rapport à 2018 (36 milliards) et doublé comparativement aux 57 milliards de dollars enregistrés en 2009, lorsque le marché du négoce des matières premières a connu un boom spectaculaire après la crise financière internationale.
Le rapport souligne que la hausse spectaculaire des revenus des diverses entreprises spécialisées dans le négoce des matières premières durant l’année écoulée s’explique essentiellement par l’intense volatilité des prix et les changements spectaculaires survenus au niveau des chaînes d’approvisionnement mondiales dans un contexte de guerre en Ukraine.
Ces entreprises bien capitalisées, agiles et prêtes à prendre des risques dans une période de grands bouleversements ont su profiter de la volatilité des cours en achetant au plus bas et en vendant au plus haut. Elles étaient également bien placées pour gérer les perturbations et continuer à acheminer la production entre pays extracteurs et acheteurs, en organisant le transport, la logistique de stockage, et parfois même la production et la transformation.
Les cabinet Oliver Wyman précise aussi que les sanctions contre Moscou ont obligé les produits énergétiques russes à circuler vers l’Est plutôt que vers l’Ouest et conduit à l’apparition de nouveaux fournisseurs pour l’Europe, où les prix du gaz naturel ont connu une flambée spectaculaire. Conséquence : l’activité de négoce de l’électricité, du gaz et des émissions de CO2 a connu une croissance phénoménale de 90% durant l’année écoulée alors que le négoce du pétrole a enregistré une hausse de 55%.
Les banques et les hedge funds reprennent du poil de la bête
Le négoce du gaz naturel liquéfié (GNL) a aussi enregistré une augmentation de 40% contre des hausses de 50% pour les métaux et les minéraux et de 40% pour les matières premières agricoles.
Le rapport indique d’autre part que les négociants qui ne sont pas traditionnellement adossés à des actifs (contrairement aux compagnies minières et aux sociétés pétrolières disposant de branches de négoce) ont enregistré une croissance particulièrement spectaculaire. Les maisons de négoce indépendantes représentent aujourd’hui un tiers du marché. Les banques, qui avaient réduit la voilure dans le trading des matières premières il y a quelques années, ont repris du poil de la bête. Elles représentent désormais près de 20% du marché.
Attirés par les incertitudes de l’activité en pleine période de difficultés logistiques, de sanctions et d’efforts pour abandonner les énergies fossiles, les hedge funds ont également fait un come-back remarquable qui leur a permis de contrôler près de 10 % du marché en 2022. Réunis, ces acteurs non adossés à des actifs accaparent désormais plus de 60 % des revenus de l’industrie du négoce des matières premières, contre moins 50% en 2018.
Le cabinet Oliver Wyman a par ailleurs fait remarquer que les négociants qui ont été les plus performants durant l’année écoulée étaient finalement ceux qui ont développé des modèles d’affaires solides basés sur un accès facile aux financements, la diversification dans les services logistiques, un vaste portefeuille de produits et un accès facile aux informations sur le marché qui leur permet d’anticiper les grandes fluctuations pour dégager un maximum de bénéfices.
Pour s’assurer des volumes de négoce toujours plus importants et avoir un meilleur accès aux informations sur le marché, plusieurs maisons de négoce optent par ailleurs pour une intégration verticale de leur chaîne d’approvisionnement par l’acquisition d’actifs en amont et en aval tels que les plantations, les gazoducs, les gisements pétroliers, les mines, les raffineries et les réseaux de stations-service.