Emmenée par les combattants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), une coalition de neuf groupes rebelles, dont les capacités d’action restent difficiles à cerner, s’oppose au gouvernement du premier ministre Abiy Ahmed. Puissance régionale, l’Ethiopie, contre toute attente, se trouve, considérablement, affaiblie. Ses ennemis séparatistes ou fédéralistes de la sous-région ont obtenu des armes pour combattre, ce qui pousse les différents belligérants à s’affaiblir avec comme principal bénéficiaire, les Etats-Unis qui, par la suite, pourront dérouler leur politique sans être contestés.
Neuf groupes rebelles éthiopiens ont annoncé, vendredi, 5 novembre, la création d’une alliance contre le gouvernement du premier ministre, Abiy Ahmed, dans un « front uni » emmené par les combattants nordistes du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui menacent de marcher sur Addis Abeba (sur notre photo Abiy Ahmed très très inquiet).
Face à l’escalade dans ce conflit qui ravage le Nord du pays, les Etats-Unis, la Suède et la Norvège ont appelé, vendredi, 5 novembre, leurs ressortissants à quitter l’Ethiopie et le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à un cessez-le-feu.
Dans une déclaration commune, les quinze pays membres de cette instance « appellent à mettre fin aux hostilités et à négocier un cessez-le-feu durable », avant un dialogue « inclusif » pour « résoudre la crise ».
Sous pression alors qu’ils n’avaient pas été capables depuis un an d’apporter une réponse unifiée au conflit éthiopien, ils ont « exprimé leur profonde inquiétude au sujet de l’extension et de l’intensification des affrontements militaires ».
Le gouvernement fédéral est en guerre depuis un an contre les combattants du TPLF, qui ont progressé ces derniers mois au-delà de leurs bastions, notamment, dans la région de l’Amhara. Ceux-ci ont affirmé mercredi avoir atteint Kemissie, à 325 kilomètres au Nord de la capitale, où ils ont rejoint l’Armée de libération oromo (OLA), groupe armé de l’ethnie oromo avec lequel ils sont alliés depuis août.
Les deux groupes n’ont pas exclu de marcher sur la capitale pour faire chuter Abiy Ahmed. Le gouvernement dément, lui, toute menace sur Addis Abeba.
Le TPLF et l’OLA ont annoncé vendredi s’unir avec sept autres organisations moins connues et à l’envergure incertaine, issues de diverses régions (Gambella, Afar, Somali, Benishangul) ou ethnies (Agew, Qemant, Sidama) qui constituent l’Ethiopie.
« Notre intention est de renverser le régime », a déclaré Berhane Gebre-Christos, représentant du TPLF lors de la signature à Washington de cette alliance, baptisée Front uni des forces fédéralistes et confédéralistes éthiopiennes.
Guerre de communication
Le procureur général éthiopien, Gedion Timothewos, a qualifié cette coalition de « coup de pub », estimant que certaines de ces organisations n’avaient « pas vraiment de base populaire ».
La porte-parole du premier ministre a, de son côté, fustigé la « désinformation » du TPLF destinée à créer « un faux sentiment d’insécurité », assurant qu’un « sentiment de normalité » prévalait au contraire à Addis Abeba.
L’impact sur le conflit de ce « front » reste incertain. « S’ils sont vraiment sérieux dans leur détermination à prendre les armes contre le gouvernement, c’est potentiellement un vrai problème » pour Abiy Ahmed, a déclaré un diplomate au fait des questions de sécurité, tout en concédant ne pas connaître la plupart de ces groupes, leurs effectifs et leurs ressources.
Cette alliance semble manifester une volonté du TPLF de montrer qu’il dispose d’un soutien au-delà du Tigré.
Le TPLF avait déjà mis en place une coalition avec d’autres groupes ethniques et géographiques à la fin des années 1980, avant de renverser l’autocrate, Mengistu Haïlémariam, en 1991.
Ce Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien, dominé par le TPLF, avait ensuite dirigé le pays pendant près de 30 ans, avant un mouvement de contestation qui a mené Abiy Ahmed au pouvoir en 2018. Devenu premier ministre, ce dernier a progressivement écarté le TPLF du pouvoir fédéral.
Appels à un cessez-le-feu
Après des mois de tensions, le Prix Nobel de la paix 2019, (Abiy Ahmed, a envoyé l’armée au Tigré en novembre 2020 pour destituer les autorités régionales, issues du TPLF, qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires.
Abiy Ahmed a proclamé la victoire dès le 28 novembre. Mais en juin, les combattants tigréens ont repris l’essentiel de la région et poursuivi leur offensive dans les régions voisines de l’Afar et de l’Amhara.
Le gouvernement a promis ces derniers jours de gagner cette « guerre existentielle ».
Les deux camps restent sourds aux appels internationaux à un cessez-le-feu et à des négociations, relayés dans la capitale éthiopienne par l’émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman.
Vendredi, 5 novembre, le ministère éthiopien de la Défense a appelé les retraités de l’armée à se réengager « pour protéger le pays du complot visant à le désintégrer ».
L’état d’urgence a été déclaré mardi dans tout le pays, permettant aux autorités de détenir sans mandat toute personne soupçonnée de soutenir des « groupes terroristes » ou de suspendre les médias qui « apportent un soutien moral directement ou indirectement » au TPLF.
Des milliers de Tigréens ont été arrêtés depuis l’annonce de l’état d’urgence.
Il faut, néanmoins, souligner le rôle des Américains dans ce conflit. Ces derniers ont intérêt à affaiblir le leadership de l’Ethiopie dans la sous-région en laissant les protagonistes s’affronter dans une guerre où les pertes s’additionnent dans les deux camps. Cet affaiblissement va, incontestablement, positionner, au moindre frais, Washington, lors des futures négociations qui surviendront après l’essoufflement des deux camps. La même stratégie américaine est, aujourd’hui, utilisée au Soudan où on constate qu’il n’y aura pas de réel vainqueur entre les militaires et la société civile, qui ont le temps de s’affaiblir avant un éventuel dialogue. Cet affaiblissement ne pourra que faire le jeu de Washington qui n’aura pas grand mal à déployer sa politique dans cette Corne de l’Afrique où la Turquie entretient une base militaire en Somalie, pays qu’Ankara avait réussi à pacifier grâce au fait que la Turquie et la Somalie sont deux pays musulmans, et après l’échec patant de Washington dont l’intervention avait été considérée considérée comme impérialiste.
Source: afriqueeducation.com