Privilégier l’approche locale et communautaire. C’est la particularité de la campagne baptisée « Wallu Talibé Yi » (« Protégez les talibés » en wolof), financée par l’agence de développement américaine USAID, et mise en œuvre par Save the Children. Selon l’ONG, plus de 100 000 enfants confiés par leurs familles à des « daaras », des écoles coraniques, sont contraints de mendier à travers le pays, notamment à Dakar.
Entre deux et quatre heures chaque jour. C’est le temps passé à mendier par près de trois talibés sur quatre, selon Save the Children. Pour faire face à ce fléau qui perdure, l’ONG mise sur l’implication des parents, des maîtres coraniques, mais aussi de celles qu’on appelle les « ndéyou daara », les « marraines » des talibés, des bénévoles comme Amy Sarr, depuis 25 ans : « Des enfants talibés vont venir prendre leur douche chez nous, on leur donne à manger, on prend dans la caisse de notre association pour acheter des tapis ou matelas à remplacer. C’est d’abord par affection maternelle et par amour. »
Le projet vise notamment à renforcer le soutien financier aux daaras, via les autorités locales. Des maillons essentiels, selon Seynabou Diallo d’USAID : « Les collectivités sont proches des populations, donc c’est une porte d’entrée qui permet d’atteindre de manière plus efficace le relais communautaire. » Une campagne de communication a été lancée à la radio et à la télévision.
Cheikh Aliou Bèye, maire de la commune de Diamaguene Sicap Mbao et bénéficiaire du projet, revient sur la situation sur son territoire : « La communauté abrite le plus grand nombre de daaras au niveau de la banlieue dakaroise. Ça doit commencer par le changement de comportement et encourager les maîtres coraniques qui acceptent d’avoir des plans de développement de ces daaras, qui permettront de réduire ou d’éradiquer carrément la mendicité. »
Vers des « daaras modernes »
Ces dernières années, l’État du Sénégal a initié plusieurs programmes de protection des enfants talibés. Parmi eux, la création de « daaras modernes », qui associent à l’apprentissage du Coran des enseignements de base du programme scolaire. La commune de Hann-Bel Hair, à Dakar, a financé et inauguré une structure publique de ce type il y a deux ans. Une réussite, selon le maire, Babacar Mbengue. « On parle d’enfants talibés, mais ils ont droit à l’éducation. Il faut un accompagnement. L’enseignement coranique est effectivement une compétence transférée. C’est grâce à cela que, sur le complexe que nous avons ouvert, le ministère de l’Éducation a dû affecter un personnel technique, donc des arabisants. Mais je pense qu’il faut intégrer l’enseignement élémentaire, qui est reconnu, qui fait partie du programme intégral de l’enseignement de l’éducation de manière globale. Nous devons veiller au bien-être de nos enfants. Nous sommes rassurés par ce partenariat parce que cela nous permet de pouvoir jouer un rôle de ce point de vue. »